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Le RSI n’a pas d’existance légale. Point de vue juridique

Article de Éric ROCHEBLAVE, Avocat au Barreau de Montpellier, Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale

A lire si vous n’en avez pas connaissance : Le MLPS fait condamner le RSI !


Le RSI est sans existence légale et ne peut donc pas vous poursuivre en justice pour recouvrer vos cotisations !

La Cour d’appel de Limoges et le Tribunal de Grande Instance de Nice ont  jugé en ce sens en octobre et décembre 2014.

Aux termes de l’article 32 du Code de procédure civile, est irrecevable toute prétention émise par ou contre une personne dépourvue du droit d’agir.

L’ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 relative au Code de la Mutualité et transposant les Directives 92/49/CEE et 92/96/CEE du Conseil des 18 Juin et 10 Novembre 1992 dispose :

« Article 3 :
Sont abrogées les dispositions de nature législative du code de la mutualité dans sa rédaction issue de la loi n° 85-773 du 25 juillet 1995 portant réforme du code de la mutualité, ainsi que les textes qui l’ont complétée ou modifiée
Article 4 :
Les mutuelles, unions et fédérations créées avant la publication de la présente ordonnance disposent d’un délai d’un an pour se conformer aux dispositions du code de la mutualité annexé à ladite ordonnance
Article 5 :
1 – Les mutuelles, unions et fédérations créées avant la publication de la présente ordonnance qui n’auront pas accompli les démarches nécessaires à leur inscription au registre prévu à l’article L 411-1 du code de la mutualité dans le délai prévu à l’article 4 sont dissoutes et doivent cesser toutes les opérations qui ne sont pas nécessaires à la liquidation. »

L’article L.411-1 du Code de la mutualité dispose :

– dans sa version en vigueur du 22 avril 2001 au 15 juin 2008 « (…) Le secrétariat général du Conseil supérieur de la mutualité est chargé de la tenue du registre national des mutuelles, unions et fédérations dans lequel ces organismes sont répertoriés en fonction de leur activité. »

– dans sa version en vigueur du 15 juin 2008 au 23 janvier 2010 « (…) Le secrétariat général du Conseil supérieur de la mutualité est chargé de la tenue du registre national des mutuelles, unions et fédérations dans lequel ces organismes sont répertoriés en fonction de leur activité. »

Le décret n° 2011-1192 du 26 septembre 2011 relatif à l’immatriculation des mutuelles, des unions et des fédérations, paru au Journal officiel de la République française le 28 septembre 2011, dispose :

« L’article 11 de l’ordonnance du 21 janvier 2010 portant fusion des autorités d’agrément et de contrôle de la banque et de l’assurance a supprimé, au 1er janvier 2011, le principe de l’immatriculation des mutuelles, unions et fédérations au « registre national des mutuelles » (RNM) ainsi que ce registre sous sa forme actuelle. Le présent décret fixe la nouvelle procédure d’immatriculation des mutuelles, unions et fédérations qui sera assurée par le secrétaire général du Conseil supérieur de la mutualité. Les numéros d’immatriculation ne changent pas quant à eux. Ceux-ci demeureront identiques aux numéros SIREN des organismes concernés, seul le préfixe « RNM » étant supprimé. »

L’obligation d’inscription existe donc toujours aujourd’hui.

Pour le Tribunal de Grande Instance de Nice, la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants, faute de prouver son inscription au Conseil supérieur de la mutualité conformément à l’article L. 411-1 du Code de la mutualité, n’a pas qualité pour agir en justice.

Si la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants verse bien aux débats la justification de son inscription au répertoire SIRENE et une copie de son règlement intérieur, il est cependant nécessaire, afin de vérifier qu’elle possède la qualité pour agir, qu’elle justifie de son immatriculation au registre prévu par l’ article L.411-1 du Code de la mutualité.

En l’absence d’une telle justification, la qualité pour agir de la Caisse Nationale du Régime Social des Indépendants ne pouvant être vérifiée, aucune de ses actions en justice n’est recevable.

Tribunal de Grande Instance de Nice, Ord. de Référé du 11 décembre 2014 n° 14/1711

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La Cour d’appel de Limoges a également exactement jugé en ce sens.

Monsieur X… a formé une opposition à contrainte délivrée le 14 mars 2012 à l’initiative du Régime social des indépendants (le RSI) pour un montant de 16 897,63 euros en principal et majorations de retard au titre de cotisations dues pour l’année 2008.

Par jugement du 14 février 2013, le tribunal des affaires de sécurité sociale de la Haute-Vienne a rejeté l’opposition de Monsieur X… et validé la contrainte pour un montant de 16 704,63 euros.

Monsieur X… a relevé appel de ce jugement.

La Cour d’appel de Limoges a jugé que « la vérification de la qualité à agir du RSI, contestée par M…, justifie qu’il lui soit fait injonction de justifier de son immatriculation au registre prévu à l’article L.411-1 du code de la mutualité
(…) » et a ordonné « au Régime social des indépendants de justifier de son immatriculation au registre prévu à l’article L.411-1 du code de la mutualité dans le délai de quinze jours suivant la notification qui lui sera faite du présent arrêt »

Cour d’appel de Limoges, 20 octobre 2014 n° 13/00341

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La Cour d’appel de Bordeaux avait eu une analyse différente en 2013.

Monsieur X… avait fait valoir que le RSI ne communique pas sa forme juridique en violation des dispositions de l’ article 132 du code de procédure civile .

Il soutenait que la contrainte, en contradiction avec l’ article 648 du code de procédure civile , ne porte pas mention de la forme juridique la personne morale qui en est l’auteur ce qui lui porte grief dans la mesure où cette absence de communication l’empêche de cerner utilement les moyens de défense utilisables, que le RSI doit communiquer ses statuts, son inscription sur un registre ou faire l’objet d’une déclaration en préfecture, que le RSI a nécessairement le statut juridique d’une mutuelle régi par les dispositions des articles L 111-1 et L 411-1 du code de la mutualité et que l’adhésion à une mutuelle est caractérisée par un bulletin d’adhésion, qu’il est en situation de monopole en contradiction avec la décision n°86-217 DC du 18 septembre 1986, qu’au regard du principe de non-discrimination les indépendants doivent pouvoir bénéficier du choix de leur assureur.

Monsieur X… a exposé que le régime des indépendants est un régime professionnel rendant nécessaire un bulletin d’adhésion.

Le RSI a répliqué que Monsieur X… relève du Régime Social des Indépendants en sa qualité d’artisan du 03.04.2002 au 31.12.2006 et de gérant de la SARL Y… à partir du 01.01.2007, qu’il est redevable des cotisations vieillesse et invalidité décès, conformément à l’article L133-6 du Code de la Sécurité Sociale.

Le RSI a exposé ensuite que le régime social des indépendants (RSI) s’est substitué à compter du 1er juillet 2006 aux régimes d’assurances vieillesse, invalidité et décès des professions artisanales (AVA CANCAVA), des professions industrielles et commerciales (ORGANIC) et au régime d’assurance maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (AMPI) (article 1° de l’ ordonnance n°2005-1528 du 8 décembre 2005 ) que le régime social des indépendants comprend une Caisse Nationale (la Caisse Nationale du RSI) et des Caisses de base (art. L. 611-3 du CSS ), appartenant à l’organisation de la sécurité Sociale en vertu des articles L 111-1, R 111-1, L 621- 1 à L 621-3 du Code de la Sécurité Sociale.

Il a exposé que la Caisse nationale du RSI et les Caisses de base du RSI ne sont pas des mutuelles et donc que les dispositions figurant au code de la mutualité et relatives à leur organisation, sont à écarter, qu’aucun texte ne prévoit la communication des statuts et des règlements intérieurs aux assurés, que la publicité légale, par l’intermédiaire du Journal Officiel, tient lieu d’information générale, que l’absence d’obligation de communication individuelle procède en fait du principe selon lequel l’affiliation auprès de la Caisse découle d’une obligation légale et statutaire et non d’un contrat synallagmatique de droit privé, que la seule condition d’affiliation à titre obligatoire à un régime de l’ art. L 111-1 du CSS réside dans l’exercice effectif d’une activité relevant de son champ de compétence.

Pour la Cour d’appel de Bordeaux, il résulte de ce qui précède que le RSI a justifié précisément de sa qualité à réclamer et recouvrer des cotisations auprès de Monsieur X… en sa qualité d’organisme de sécurité sociale, dont Monsieur X…. est obligatoirement adhérent au regard de son activité professionnelle: en effet, Monsieur X… ne conteste pas avoir exercé les activités suivantes: artisan du 03.04.2002 au 31.12.2006, puis gérant de la SARL Y…. à compter du 01.01.2007.

Par ailleurs, pour la Cour d’appel de Bordeaux, le RSI ne revêtant pas la qualité d’un organisme de mutuelle, Monsieur X… ne pouvait invoquer utilement l’application des dispositions du code de la mutualité sociale et des dispositions communautaires relatives aux assurances et aux mutuelles et à la liberté de la concurrence.

Cour d’appel de Bordeaux, 14 mars 2013 n° 11/044258

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La Cour d’appel de Pau avait également eu une analyse différente en 2011

Madame X… a soutenu que la caisse du RSI n’a pas de capacité juridique en raison d’une part du non-respect des prescriptions de l’ordonnance du 19 avril 2001 qui lui imposaient de s’immatriculer auprès du registre national des mutuelles.

La Cour d’appel de Pau avait rejeté ce moyen.

Pour la Cour d’appel de Pau, le Régime Social des Indépendants, organisme de sécurité sociale qui, à compter du 1er juillet 2006, a été substitué par la loi ( ordonnance numéro 2005-1528 du 8 décembre 2005 ) aux régimes d’assurance obligatoire vieillesse, invalidité et décès des professions artisanales ( AVA-CANCAVA), des professions industrielles et commerciales (ORGANIC) et aux régimes d’assurance-maladie et maternité des travailleurs non salariés des professions non agricoles (AMPI), répond à un objectif de protection générale de la population contre les risques sociaux et est régi par les dispositions du Code de la sécurité sociale de sorte qu’il n’avait pas à se faire immatriculer auprès du registre national des mutuelles qui est seulement prévu par le Code de la mutualité qui régit les mutuelles chargées de la protection sociale complémentaire facultative, ce que n’est pas le RSI.

Cour d’appel de Pau, 14 février 2011 n° 870/11, 09/02682

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A ce jour, la Cour de cassation ne s’est prononcée que pour la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA)

Bernard X…, exploitant agricole, étant décédé le 22 mai 1999, la caisse de mutualité sociale agricole (CMSA) à laquelle il était affilié, a assigné en recouvrement des cotisations sociales au paiement desquelles deux jugements l’avaient condamné, sa mère, Mme Lucie X… et ses soeurs, Mmes Y… X…, Marie X… et Anne X… épouse Z…, prises en leur qualité d’héritières, aux termes d’un testament olographe du 1er juillet 1993 ; que quatre jugements du tribunal des affaires de sécurité sociale du 23 février 2004 ayant accueilli la demande, les consorts X… en ont interjeté appel ; l’arrêt attaqué a dit irrecevables les appels de Mmes Y… X… et Marie X…, a annulé les jugements prononcés à l’encontre de Mmes Z… et Lucie X… et, statuant en vertu des dispositions de l’ article 562, alinéa 2, du nouveau code de procédure civile , a rejeté l’exception d’incompétence soulevée au profit du tribunal de grande instance et condamné Mme Z… et Mme Lucie X… à payer à la CMSA leur quote-part respective des cotisations dues.

Les consorts X… ont fait grief à la Cour d’appel de POITIERS d’avoir déclaré la CMSA recevable en son action alors, selon le moyen, que les mutuelles créées avant la publication de l’ ordonnance du 19 avril 2001 qui n’ont pas accompli les démarches nécessaires à leur inscription au registre prévu à l’ article L. 411-1 du code de la mutualité dans le délai prévu à l’article 4, soit le 31 décembre 2002, sont dissoutes et doivent cesser toutes les opérations qui ne sont pas nécessaires à la liquidation ; qu’en jugeant que la MSA de la VIENNE, mutuelle gérant des régimes obligatoires et facultatifs, échappait à cette dissolution dès lors qu’elle tenait sa personnalité morale de la loi, la cour d’appel, qui a ainsi laissé se poursuivre l’activité d’une mutuelle non conforme aux exigences des directives 92/49/CEE et 92/96/CEE transposées par l’ ordonnance n° 2001-350 du 19 avril 2001 , a violé ces textes par refus d’application, ensemble l’article L. 723-1 par fausse application.

La Cour de cassation a rejeté cet argumentaire.

Pour la Cour de cassation, la Cour d’appel de POITIERS a retenu à bon droit que les dispositions de l’ordonnance du 19 avril 2001 ne sont pas opposables aux organismes chargés de la gestion de régimes de sécurité sociale et que les caisses de mutualité sociale agricole sont dotées de plein droit de la personnalité morale.

Cass. Civ. 2, 6 décembre 2006 n° 05-14443

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Ces décisions sont très certainement transposables à l’URSSAF et autres organismes.

Quid de l’URSSAF ? N’a-t-elle pas pu se constituer que sous la forme d’une société mutualiste, régie par le code de la mutualité ?

Dans l’affirmative, faute également pour l’URSSAF de justifier de son inscription au registre prévu par l’article L.411-1 du code de la mutualité avant le 31 décembre 2002, elle a été dissoute de plein droit et n’a pas qualité à agir pour le recouvrement de cotisations sociales.

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Les décisions de justice à venir sont à suivre !

La jurisprudence étant divergente et fluctuante, la prudence est de mise…

Source: Éric ROCHEBLAVE
Avocat au Barreau de Montpellier
Spécialiste en Droit du Travail et Droit de la Sécurité Sociale
http://www.rocheblave.com

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