Alors que Manuel Valls nâen avait pas dit un mot mercredi lors de la présentation du nouveau plan de lutte contre le terrorisme, Harlem Désir a confirmé jeudi à lâONU que la France mettrait en place « à brève échéance » le blocage de sites racistes et antisémites sur simple ordonnance de lâEtat, sans contradictoire ni vérification judiciaire de lâillégalité des sites bloqués. Une exception qui devient la norme.
Jeudi matin, lâAssemblée générale de lâONU tenait à New York une réunion plénière informelle exceptionnelle, à lâinitiative de Bernard-Henri Lévy, sur la question de la montée des violences antisémites dans le monde. La réunion avait été programmée avant les attentats commis en France, mais a nécessairement gagné en importance par lâassassinat de quatre otages juifs détenus dans lâépicerie de Vincennes par Amedy Coulibaly.
A cette occasion, le secrétaire dâétat aux affaires européennes, Harlem Désir, a prononcéun discoursdans lequel il a confirmé les pistes avancées la semaine dernière par la ministre de la Justice Christiane Taubira, qui nâont pourtant pas été évoquées mercredilors de la conférence de presse de Manuel Valls. En particulier, Harlem Désir a confirmé quâà « brève échéance« , la France mettrait en oeuvre « la possibilité dâun blocage administratif des sites internet et des messages à caractère raciste et antisémite« .
Ce blocage administratif, qui se matérialise par un ordre du ministère de lâintérieur non soumis au contrôle dâun juge, fut dâabord prévu pour les seuls contenus pédopornographiques. Dès 2008, il y a sept ans, Numerama avait mis en garde contre lâouverture de la boîte de Pandore, en prévenant que la lutte nécessaire contre la pédophilie, que le blocage nâaide en rien, ne serait quâun moyen de légitimer un processus qui serait ensuite étendu à dâautres types de contenus. Lâhistoire du fichier des empreintes génétiques (FNAEG) qui compte aujourdâhui plus de 2,5 millions dâenregistrements lâavait déjà démontré.
METTRE DES BARRIÃRES SUR INTERNET
Nos craintes se sont vérifiées lâan dernier avec lâadoption dâune loi contre le terrorisme qui adopte le mécanisme du blocage extrajudiciaire à lâencontre des sites de propagande terroriste, dont la liste à bloquer sera établie par le gouvernement, sans contrôle dâun juge. Et donc, selon Harlem Désir et Christiane Taubira, il sera très bientôt étendu à des sites racistes et antisémites, avec la forte tentation de bloquer également des sites très critiques contre le sionisme et Israël, sans quâun juge ne puisse sây opposer (sauf recours ultérieur une fois la mesure déjà appliquée).
A lâONU, Harlem Désir a déclaré que lâantisémitisme « est toujours là , présent, avec son cortège de préjugés, de haine et de violence, parfois comme la résurgence dâun vieil antisémitisme qui remonte du fond des siècles, mais aussi, désormais, sous des formes nouvelles, se répandant sans barrière sur internet et les réseaux sociaux, à lâabri de lâanonymat ou non, prenant parfois prétexte du conflit israélo-palestinien ou sâappuyant sur le dévoiement fanatique de lâislam ancien ou nouveau« .
RENDRE RESPONSABLES LES INTERMÃDIAIRES
Selon Les Echos, le secrétaire dâétat a expliqué en marge de son discours quâil fallait étendre la responsabilité pénale des intermédiaires tels que les réseaux sociaux. « Nous devons limiter la dissémination de ces messages. Nous devons établir un cadre légal afin que ces plate-formes sur internet, les grandes compagnies qui gèrent les réseaux sociaux, soient appelées à agir de manière responsable« , a-t-il demandé. Il sollicite la convocation dâune conférence internationale dédiée à ce sujet.
Déjà en novembre dernier, le Conseil de Sécurité de lâONU avait demandé un renforcement de la lutte contre la propagande terroriste sur Internet, en laissant entendre que les plateformes qui seraient trop ouvertes à la liberté dâexpression pourraient être accusées de terrorisme par complicité. Le Conseil avait par ailleurs demandé à lâensemble des 192 membres de lâONU « dâagir de façon coopérative pour empêcher les terroristes de recruter, pour contrer leur propagande et leur incitation extrémistes violentes sur Internet et les médias sociaux, y compris en développant des contre-récits efficaces« .