
Comme vous allez le dĂŠcouvrir aujourdâhui, le ÂŤ père Âť de la politique monĂŠtaire japonaise pour le moins accommodante ces derniers temps a presque avouĂŠ que cela ne servait plus Ă grand-chose de continuer Ă imprimer autant de billets en yen que ce quâils faisaient jusquâĂ prĂŠsent. Mais avant, tordons le cou Ă une idĂŠe totalement et particulièrement rĂŠpandue consistant Ă dire quâimprimer de la nouvelle monnaie Ă partir de rien sert Ă relancer la croissance.
Imprimer des billets ne sert pas Ă relancer la croissance mais Ă masquer lâinsolvabilitĂŠ
Au Japon, aux USA et prochainement en Europe, les banques centrales partout dans le monde sont Ă la manĹuvre pour ÂŤ relancer la croissance Âť, en tout cas câest ce que lâon vous explique. Imprimer des billets pour racheter des actifs qui ont dĂŠjĂ ĂŠtĂŠ financĂŠs nâa jamais et ne provoquera jamais une once de croissance supplĂŠmentaire. Cela permet en revanche de masquer lâinsolvabilitĂŠ ou dâĂŠviter lâinsolvabilitĂŠ de certains acteurs ĂŠconomiques majeurs, quâil sâagisse de banques ou mĂŞme dâĂtats.
En rachetant massivement les crĂŠances immobilières pourries des grandes banques amĂŠricaines, la FED, la banque centrale des USA, nâa pas relancĂŠ la croissance directement. Elle a ĂŠvitĂŠ la faillite des banques en prenant Ă sa charge des dettes moisies qui pesaient dans le bilan des banques. En allĂŠgeant cette charge pour les banques, elle leur a permis indirectement de poursuivre leur travail de prĂŞts⌠et donc les banques ont pu continuer bon an, mal an Ă financer plus ou moins lâĂŠconomie.
Au Japon, le problème est un peu diffĂŠrent. Il ne sâagit pas de relancer lâĂŠconomie, il sâagit de faire face au vieillissement de la population nippone qui a besoin de son ĂŠpargne pour boucler ses fins de mois de plus en plus difficiles. Du coup, les Japonais ÂŤ dĂŠsĂŠpargnent Âť mais cela veut dire quâils revendent par exemple des obligations de lâĂtat japonais que personne en face nâest en mesure de racheter⌠Il faut donc que la banque centrale japonaise se mette en face pour assurer la contrepartie afin dâĂŠviter quâapparaisse au grand jour lâabsence dâacheteur dâobligations japonaises et que tout le monde soit conscient de la faillite gĂŠnĂŠralisĂŠe ainsi que, au passage, tous les ĂŠpargnants soient ruinĂŠs.
En Europe, nous sommes confrontĂŠs Ă un problème tout aussi complexe. Croissance anĂŠmique certes, mais qui ne sera pas relancĂŠe par le QE de 500 Ă 600 milliards dâeuros que lâon nous promet pour jeudi. Non, si encore nous dĂŠpensions ces sous-lĂ dans de grands travaux⌠LĂ , ĂŠvidemment, cela irait directement dans lâĂŠconomie mais ce nâest pas ce que la BCE va faire. La BCE va ÂŤ racheter Âť des obligations dâĂtats. En clair, la Banque centrale europĂŠenne va racheter de la vieille dette française, italienne ou espagnole, mais en rachetant de la vieille dette on nâinjecte pas un centime dans lâĂŠconomie rĂŠelle puisque cette vieille dette a dĂŠjĂ ĂŠtĂŠ financĂŠe et que les ĂŠpargnants en sont dĂŠtenteurs via par exemple leurs contrats dâassurance vie fonds euros.
Alors si la BCE fait cela, câest que comme au Japon il se pose une question de solvabilitĂŠ des assureurs vie, un problème de ÂŤ contrepartie Âť et quâil faut quâil y ait des acheteurs pour que votre ĂŠpargne conserve sa valeur.
LĂ encore, il sâagit donc dâĂŠviter lâinsolvabilitĂŠ. Dâailleurs, aux USA, la croissance bat de lâaile et les pertes sur lâindustrie du gaz de schiste sâaccumulent, de mĂŞme que celles liĂŠes Ă lâapprĂŠciation sans prĂŠcĂŠdent du franc suisse. Il est donc de moins en moins probable que la FED augmente, comme elle tente de nous le faire croire, ses taux dâintĂŠrĂŞt⌠Ă ce rythme, il y a mĂŞme plus de chance quâelle lance un nouveau QE, le QE4 par exemple ! LĂ , Ă nouveau, il faudra bien ĂŠponger les nouvelles pertes et masquer les nouvelles insolvabilitĂŠs. Du reste, les bĂŠnĂŠfices des banques US sont très nettement orientĂŠs Ă la baisse, et quelle baisse !!
JusquâoĂš les banques centrales peuvent-elles aller avant la catastrophe ? Je ne sais pas !
La rĂŠponse est simple : je nâen sais rien. Je nâen sais rien et celui qui vous dira quâil sait est un menteur car nous ne sommes jamais allĂŠs jusque-lĂ ! Nous sommes rentrĂŠs depuis bien longtemps en ÂŤ terra economica incognita Âť ! Mais ce nâest pas une raison pour sâavouer vaincu et ne pas tenter dây voir plus clair Ă dĂŠfaut dâavoir une certitude absolue.
La Banque centrale Suisse nous a bien montrĂŠ depuis quelques jours que les moyens dâune banque centrale ne sont pas illimitĂŠs. En rĂŠalitĂŠ, ils sont thĂŠoriquement illimitĂŠs mais dans les faits, il arrive un moment oĂš la quantitĂŠ de monnaie crĂŠĂŠe est telle que plus personne ne veut de votre monnaie ou que, dans le cas de la Suisse, tout le monde veut votre monnaie fuyant les autres⌠DâoĂš lâapprĂŠciation de 40 % en une journĂŠe de la monnaie suisse, ce qui est un record absolu.
Au Japon, chaque impression de nouveau billet fait baisser un peu plus la valeur du yen, rendant plus cher les importations, et comme le Japon est une ĂŽle qui importe beaucoup de produits, eh bien le panier de la mĂŠnagère coĂťte de plus en plus cher. HĂŠlas, les salaires nâaugmentent pas plus. RĂŠsultat, lâappauvrissement est gĂŠnĂŠralisĂŠ. Câest sans doute la raison pour laquelle le principal artisan de cette politique monĂŠtaire expansive a dĂŠclarĂŠ quâil nâĂŠtait pas forcĂŠment utile dâen rajouter encore plus cette annĂŠe⌠Et câest la première fois que lâon peut noter un tel changement de discours au Japon.
Ainsi, selon lâagence Reuters, ÂŤ la Banque du Japon nâa pas besoin dâassouplir plus cette annĂŠe la politique monĂŠtaire Ă moins que lâĂŠconomie soit frappĂŠe par un choc externe grave Âť et câest dit par Kozo Yamamoto, lâun des principaux experts sur la politique monĂŠtaire du Parti libĂŠral-dĂŠmocrate de M. Abe.
Que se passe-t-il ?
Encore une fois, je ne sais pas. Jâai la dĂŠsagrĂŠable impression que les banques centrales cherchent Ă en finir avec leur interventionnisme monĂŠtaire mais si elles le font alors lâĂŠconomie va reprendre sa pente naturelle vers la rĂŠcession et la dĂŠflation.
Intuitivement, je dirais que câest dĂŠsormais au tour de la BCE dâimprimer pour soutenir le système dans sa globalitĂŠ. Racheter pour 50 milliards dâeuros dâobligations comme les rumeurs le disent chaque mois, cela ne servira mĂŞme pas Ă faire baisser les taux dâemprunt qui sont dĂŠjĂ proches de zĂŠro et mĂŞme nĂŠgatifs pour la France et lâAllemagne sur des durĂŠes courtes⌠Alors pour quoi faire ? Cela ne sert presque plus Ă rien. Les stimuli monĂŠtaires nâont plus quâune utilitĂŠ marginale.
Pourtant, lâeffondrement systĂŠmique nâest pour le moment de lâintĂŠrĂŞt de personne mais tout cela pourrait bien vite changer, et dâailleurs 2015 sera avant tout lâannĂŠe de la gĂŠopolitique plus que celle de lâĂŠconomie et ce sont les dĂŠcisions politiques ou les non-dĂŠcisions politiques qui primeront sur lâĂŠconomie. Pourtant sans bien comprendre ni savoir ce quâil se passe pour le moment, imperceptiblement, les banques centrales semblent changer considĂŠrablement leurs politiques monĂŠtaires.
Il est dĂŠjĂ trop tard, prĂŠparez-vous.
Charles SANNAT Â www.lecontrarien.com