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C’est Gratos! Ca coûte rien, c’est l’état qui paye…..

La gratuité est une belle valeur : offrir son temps, son affection ou son argent, volontairement, a une portée morale. En revanche, on peut légitimement s’interroger sur la « gratuité » que l’État « offre » avec notre argent et sans notre bénédiction. Un récent exemple, soulevé par Campus France à propos de l’enseignement supérieur, permet de comprendre les effets pervers de la pseudo-gratuité des services publics. Non seulement il y a toujours quelqu’un qui paie, mais cette illusion de gratuité finit par ruiner les Français.

La gratuité dans l’ordre communautaire

La gratuité, l’aide bénévole, la solidarité volontaire sont de vraies valeurs. Elles relèvent du domaine de l’ordre « communautaire », à commencer par la famille, mais aussi les associations de toutes natures, les ONG (les vraies), les clubs services, etc.. C’est non seulement l’aide financière, mais aussi l’aide affective, psychologique, le temps gratuitement donné aux autres, bref le partage volontaire. C’est ce qui vivifie la société civile et cette démarche, parce que volontaire, a une valeur morale.

Bien entendu, comme Milton Friedman aimait le souligner, « il n’y a pas de repas gratuit » : il y a toujours un coût (en argent, en temps, en peine…) ; mais c’est ce qui fait la valeur morale de ces gestes de solidarité volontaire et de partage choisi. Chacun peut avoir pour cela ses propres motivations personnelles, d’ordre caritatif, spirituel, déontologique, ou affectif. Ces gestes contribuent à créer du « lien social » et à fortifier la société civile. Ils sont souvent très efficaces en raison de la proximité qui unit celui qui donne et celui qui reçoit : on résout mieux un problème de près que de loin, application du principe de subsidiarité. Et souvent, celui qui donne reçoit une contrepartie inattendue, tout aussi gratuite.

L’échange volontaire

Si le don est important, il ne saurait remplacer l’échange volontaire, qui est le fondement de tout progrès économique. « L’échange, c’est l’économie politique » disait Frédéric Bastiat. On est là aussi dans un acte volontaire, reposant cette fois sur l’échange d’un service contre un autre, ou contre de la monnaie, ce qui revient au même, cette monnaie venant des services que nous avons rendus aux autres. C’est le donnant-donnant, mais pas de valeurs équivalentes, car la valeur est subjective. Si je donne ce service en échange d’un autre, c’est parce que j’accorde plus de prix à ce que je veux acquérir qu’à ce que je donne en contrepartie : j’espère être plus satisfait après l’échange volontaire qu’avant, sinon je n’échangerais pas. L’échange est donc un jeu à somme positive.

La pseudo-gratuité

En revanche, les « services publics gratuits » n’ont de gratuit que le nom ; celui qui paie, en impôts, est distinct de celui qui reçoit ; ils ne sont pas volontaires, même si on ajoute la fiction du contrat social primitif et du consentement à l’impôt, via la démocratie représentative. Tout prélèvement obligatoire est une atteinte à un droit de propriété légitime. Certes Montesquieu expliquait que c’était la part de sa propriété que l’on acceptait de céder pour mieux protéger le reste : l’État gendarme ou veilleur de nuit. L’argument est pertinent, même si l’on peut souvent trouver qu’un prestataire privé rendrait le même service à un meilleur coût ou un meilleur service. En revanche, il serait plus difficile de justifier ainsi l’État providence : c’est la critique de Hayek contre le mythe de la « justice sociale ».

Mais la gratuité est aussi mauvaise conseillère car elle est assimilable à un « faux prix » au sens de Jacques Rueff, un faux prix poussé jusqu’à zéro, ce qui conduit toujours à de mauvaises décisions, en l’occurrence à la surconsommation. Ceux qui savent que la quantité demandée augmente, quand le prix diminue, doivent admettre qu’elle augmente encore plus quand le prix est nul. C’est la raison pour laquelle, dans la conjoncture de la Nouvelle Lettre du 1er juillet intitulée « Les Français ne paieront plus chez le médecin », nous avions contesté le tiers-payant qui donne une apparence de gratuité.

Les effets pervers de la pseudo-gratuité

L’actualité nous fournit un autre exemple de ces effets pervers : l’enseignement supérieur public. Dans l’enseignement universitaire public, qui a le monopole de la collation des grades (licence, master, doctorat), pour ces diplômes d’État (pas pour les diplômes d’université dont le prix est libre) le prix payé par l’étudiant est quasi-nul : 184 euros par an pour une licence, 256 pour un master. Or, le coût réel d’un étudiant est en moyenne de 10 000 euros par an (il varie suivant les cycles, les disciplines, etc.). L’étudiant paie donc 2 ou 3 % du coût. Le reste est payé par le contribuable, via les dotations de l’État, des collectivités locales, etc. Il y a donc une gratuité apparente, dont le prix effectif est supporté par le contribuable français.

Un enseignement comparable en université privée, école de commerce ou d’ingénieur, coûte plusieurs milliers d’euros, parfois plus de 10 000, la « gratuité » de l’université d’État créant une évidente distorsion de concurrence. Le point souligné par Campus France concerne les étudiants étrangers. Dans beaucoup de pays, les études sont facturées au vrai prix, souvent plus de 10 000 euros. Les 295 000 étudiants étrangers venant en France sont-ils attirés par la qualité des cursus ou par la pseudo-gratuité ? La question est posée par quelqu’un peu suspect « d’ultralibéralisme », le prix Nobel Jean Tirole : « En France, les droits universitaires très faibles posent un problème d’équilibre budgétaire. À l’École d’économie de Toulouse (TSE), nous accueillons beaucoup d’étudiants étrangers et cela revient, d’une certaine manière, à subventionner le monde entier, avec parfois des effets nocifs ». La vocation du contribuable français est-elle de subventionner le monde entier ?

Un gaspillage massif

Certes, Campus France fait beaucoup d’efforts pour « démontrer » que ces étudiants étrangers apportent des recettes, par leurs achats et leur attachement à des produits français ; tant mieux, mais est-ce au contribuable de payer la contrepartie ? Le directeur de la TSE, Christian Gollier, se demande si cela n’a pas un autre effet pervers, faire fuir les meilleurs étudiants : « À ce prix-là, les étudiants chinois pensent qu’ils n’auront pas de bons professeurs ». Le succès des grandes écoles auprès des étudiants français ne vient-il pas en partie du fait que la gratuité de l’enseignement public attire vers les universités des jeunes qui retardent leur entrée dans la vie active et passent quelques mois ou années dans un site gratuit ? Ces jeunes n’étudient pas, ils occupent leur temps et font perdre leur temps à ceux qui veulent réellement travailler et s’instruire. Cela se matérialise par le nombre d’abandons, en première année, d’étudiants qui rendent feuille blanche et font simple acte de présence, gonflant les effectifs. L’image des universités français en est ternie.

La fausse gratuité provoque ainsi un gaspillage énorme, La « gratuité » revient en fait à subventionner ceux qui en ont besoin comme ceux qui auraient les moyens de financer leurs études. Elle coûte une fortune au contribuable. Or il existe de nombreux autres moyens pour permettre à ceux qui le veulent de financer leurs études, même lorsque les revenus familiaux ne suffisent pas : (vraies) bourses d’origine publique ou privée, crédits (l’éducation est un investissement en capital humain, investissement rentable). La (fausse) gratuité est non seulement mauvaise conseillère, mais encore elle nous ruine !

Malheureusement ce qu’on dit de l’enseignement supérieur s’applique aussi à d’autres « gratuités » : transports, théâtres, équipements sportifs, santé, médias, etc.

D’après Jean Yves Naudet

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