Chute spectaculaire du chômage au Portugal

Portugal : comment expliquer la chute du taux de chômage ?

Alors que le taux de chômage ne cesse d’augmenter en France, les bonnes nouvelles se succèdent au Portugal. Après avoir culminé à 17,5% début 2013, le taux de chômage portugais a chuté à 13,1% au troisième trimestre 2014. Certes, la situation n’est pas brillante, mais cela correspond tout de même à une diminution de 4,4 points en moins de deux ans. Les politiques actives de l’emploi et la reprise de l’activité économique ne suffisant pas à expliquer cette décrue, il faut se pencher sur les réformes structurelles du marché du travail menées ces trois dernières années pour comprendre le phénomène. Ces réformes se sont articulées autour de trois axes : réduire la dualité du marché du travail, privilégier les négociations individuelles aux accords collectifs et limiter les effets dissuasifs de l’aide sociale sur le travail.

Premier pilier : réduire la dualité du marché du travail. Il faut savoir que les salariés portugais sont parmi les plus protégés au monde. En 2012, avant les réformes dont nous allons parler dans quelques instants, la Heritage Foundation classait le Portugal parmi les 15 pays où la liberté sur le marché du travail était la plus faible, derrière le Venezuela de Chavez. Cette situation se traduisait par une segmentation extrêmement importante entre insiders surprotégés et outsiders en situation précaire ou au chômage. Le gouvernement portugais, sous la pression de ses créanciers, a donc cherché à limiter cette segmentation en se rapprochant de l’idée d’un contrat de travail unique. L’idée, que l’on peut retrouver dans les conditions du programme d’assistance financière de la troïka, passait par deux phases principales :

  • Mettre les indemnités de licenciement des contrats à durée indéterminée au niveau des indemnités de licenciement des contrats temporaires. Ce fut chose faite le 30 août 2013. Les indemnités de licenciement sont désormais calculées sur une base de 18 jours par an pour les emplois temporaires et de 18 jours par an pour les trois premières années de travail puis de 12 jours par an pour les années supplémentaires pour les CDI.
  • Assouplir les critères de licenciement pour les contrats à durée indéterminée. Avant 2014, seul le critère d’ancienneté était légitime, en accord avec le principe du « last in, first out ». Après une première tentative en 2012, censurée par le Tribunal Constitutionnel, le gouvernement de centre-droit a fini par trouver un compromis. La nouvelle loi établit cinq critères à prendre en compte dans le licenciement d’employés : 1) des performances plus faibles ; 2) des qualifications professionnelles et académiques plus faibles ; 3) un coût plus important ; 4) une expérience plus faible à ce poste ; 5) moins d’ancienneté dans l’entreprise. Ces critères sont hiérarchisés pour sélectionner l’employé qui sera licencié.

Deuxième pilier : privilégier les négociations individuelles aux accords collectifs. Tout d’abord au niveau de l’organisation des heures de travail, où la création en 2012 d’une banque d’heures négociée individuellement a rendu leur liberté de choix aux salariés et aux employeurs. Mais aussi grâce à la limitation des extensions administratives des conventions salariales. Auparavant, les conventions salariales conclues par certaines entreprises d’un secteur pouvaient être étendues à toutes les entreprises dudit secteur. Les extensions administratives empêchaient toute adaptation aux spécificités de l’entreprise et constituaient une grave barrière à l’entrée pour les nouvelles entreprises qui, en raison de leurs capacités financières plus limitées, avaient besoin de fixer des niveaux de salaires moins élevés pour pénétrer les marchés. Le 1er novembre 2012, le gouvernement portugais a posé une limite à ces extensions afin de favoriser les négociations salariales au sein des entreprises : les entreprises impliquées dans un accord devaient désormais employer au moins 50% des salariés du secteur pour que l’accord puisse être étendu au reste du secteur.

Troisième pilier : réduire les effets dissuasifs au travail des allocations chômage. Ce fut chose faite en 2012 avec la réduction du plafond d’allocations chômage de 3 à 2,5 fois l’indice de soutien social (419,22 euros en 2012) et la baisse des allocations journalières de 10% après 6 mois de chômage.

Ces réformes, bien qu’insuffisantes, vont clairement dans le bon sens : celui de la liberté, qui redonnera un peu d’oxygène aux entreprises et aux exclus du marché du travail. Malheureusement, la sortie en mai du Portugal de son programme d’assistance financière et l’approche des élections législatives de 2015 se traduisent par un relâchement des réformes structurelles, voire à un retour en arrière. Ainsi, dans une résolution récente, le Conseil des Ministres est revenu sur les limites de représentativité posées en 2012 aux extensions administratives des conventions salariales.L’urgence serait pourtant de continuer la lutte contre la segmentation du marché du travail, qui oblige tant de jeunes Portugais à choisir entre le Charybde du chômage et le Scylla de l’exil.

Source http://www.trop-libre.fr/horizons/portugal-comment-expliquer-la-chute-du-taux-de-ch%C3%B4mage

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