DĂŠcidĂŠment, dans une actualitĂŠ qui fourmille de feuilletons drolatiques (est-ce lâarrivĂŠe de Netflix qui stimule les soap operas?), le psychodrame de la CGT apporte une bouffĂŠe dâair frais. Loin du Hollande bashing et Sarkozy shaming, la crise de lĂŠgitimitĂŠ que traverse le secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral Thierry Lepaon donne un cĂ´tĂŠ Zola aux chroniques parisiennes qui tiennent plus souvent du Balzac ou du Proust. Quand lâaffaire Bygmalion nous plonge dans lâunivers des Vautrin et des Rastignac, quand lâouting forcĂŠ de Florian Philippot nous met dans lâambiance de Sodome et Gomorrhe, les règlements de compte dans les ĂŠtages de la porte de Montreuil ont plus un cĂ´tĂŠÂ Germinal, pour lequel il existe un public.
Les amateurs du rĂŠalisme socialiste auront donc notĂŠ quelques rĂŠcents ĂŠpisodes qui nâont rien Ă envier Ă Â Dallas ou aux Feux de lâamour.
Ainsi, la semaine dernière, Thierry Lepaon avait annoncĂŠ pour ce lundi 15 dĂŠcembre une rĂŠunion des principales fĂŠdĂŠrations, supposĂŠe lui ĂŠviter une convocation extraordinaire du comitĂŠ confĂŠdĂŠral national, seule instance capable de destituer le secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral. Il semblerait que cette rĂŠunion, conçue pour dĂŠsamorcer la crise, ait, malheureusement pour celui qui en eut lâidĂŠe, assez rapidement tournĂŠ au carnage! Les fĂŠdĂŠrations se seraient ĂŠlevĂŠes pour demander la tĂŞte de leur secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral. Le stalinisme nâest dĂŠcidĂŠment plus ce quâil ĂŠtait.
En conclusion de la rĂŠunion, Thierry Lepaon aurait prononcĂŠ un nouveau plaidoyer en faveur de sa gestion, avant de conclure quâil ne voulait pas bloquer lâorganisation et quâil tirerait toutes les consĂŠquences de la situation.
Le lendemain, mardi 16 dĂŠcembre, avait lieu une commission exĂŠcutive, qui promettait dâĂŞtre divertissante. Dans la nuit de lundi Ă mardi, beaucoup semblent toutefois sâĂŞtre penchĂŠs sur les statuts du syndicat, qui prĂŠvoient quelques astuces. Première astuce: en cas de destitution du secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral, seule une personnalitĂŠ ĂŠlue Ă la Commission ExĂŠcutive par le CCN peut ĂŞtre choisie. Deuxième astuce: câest le CCN qui choisit cette personnalitĂŠ, et non la commission exĂŠcutive elle-mĂŞme. Troisième astuce: les deux premières astuces valent pour nâimporte quel membre du bureau.
Cette petite prĂŠcision statutaire a rappelĂŠ Ă chacun le rĂ´le fondamental du CCN, qui introduit une vĂŠritable incertitude sur le nouveau nom du secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral.
Lorsque les membres de la CE sont arrivĂŠs en rĂŠunion hier matin, beaucoup sâattendaient Ă entendre Thierry Lepaon annoncer sa dĂŠmission. Quelle ne fut pas leur surprise en lâentendant au contraire annoncer son maintien, et en proposant la dĂŠmission collective du bureau⌠oĂš figurent quatre de ses opposants! Et quelle ne fut pas la surprise de ceux-ci lorsque Philippe Martinez, secrĂŠtaire de la mĂŠtallurgie, a pris la parole pour expliquer que, vu la situation, la seule dĂŠcision raisonnable ĂŠtait que le bureau dĂŠmissionnât, sauf le secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral, qui devait rester en fonction.
En fait, le pari de Lepaon, qui a adorĂŠ agiter la thĂŠorie du complot organisĂŠ par son rival malheureux Eric Aubin, est de pouvoir se maintenir grâce Ă un axe des marxistes-lĂŠninistes historiques contre tous les rĂŠnovateurs promis Ă une purge digne des annĂŠes 30. Dans cette configuration, Martinez a entendu la promesse faite par Thierry Lepaon dâĂŞtre son successeur en 2016. Cette fraĂŽcheur de la part dâun leader de la mĂŠtallurgie ne manque pas dâĂŠtonner, car câest bien connu: les promesses nâengagent pas ceux qui les font!
Comme Aubin et consors font de la rĂŠsistance, une nouvelle rĂŠunion extraordinaire de la CE est prĂŠvue dĂŠbut janvier pour obtenir la dĂŠmission des impĂŠtrants et permettre la recomposition dâune nouvelle ĂŠquipe Ă lâoccasion du CCN du 13 janvier. On voudrait ĂŞtre des petites souris pour assister Ă ce spectacle digne du Puy-du-Fou (ĂŠpisode Russie des annĂŠes 30): des interventions soigneusement concertĂŠes qui se succèdent Ă la tribune pour lancer des attaques personnelles et publiques contre quelques participants, jusquâĂ ce quâĂŠpuisement des victimes dĂŠsignĂŠes Ă la vindicte sâensuive.
Si certains avaient oubliĂŠ la nuisance quâa constituĂŠ le marxisme-lĂŠninisme pour les libertĂŠs publiques dans tous les pays oĂš il a sĂŠvi, cette petite sĂŠance devrait rapidement rafraĂŽchir les mĂŠmoires.
Entretemps, Thierry Lepaon sâest ĂŠvertuĂŠ Ă tuer les rumeurs qui pouvaient faire lâobjet dâun quatrième article de presse: ÂŤÂ Non! je nâai pas achetĂŠ des vĂŠlos Ă 1.500⏠pour ma femme et ma fille avec lâargent de la CGT! Non, je nâai pas occupĂŠ une villa Ă 12.000⏠la semaine en Corse cet ĂŠtĂŠ! Non, les prĂŠtendus 100.000⏠de mon appartement Ă Vincennes nâont pas servi Ă finir la maison que je fais construire en Normandie! Non, mes chauffeurs ne sont pas plaints de mes allers-retours en Normandie dans la semaine pour retrouver ma jeune femme Ă Cabourg .
Ouf! nous voilĂ rassurĂŠs!
Reste une inconnue: la position de lâElysĂŠe. Certains soutiennent que la perspective dâun maintien en fonction de lâactuel secrĂŠtaire gĂŠnĂŠral agacerait le pouvoir. Et que de nouveaux obus seraient dĂŠjĂ prĂŞts Ă entrer dans les culasses pour rĂŠgler le problème Lepaon avant 2015.
Source:
Le blog d’Eric Verhaeghe et de la dĂŠmocratie liquide