D’excellents esprits, et mĂŞme de moins bons, se prĂŠoccupent ces derniers temps de ce qu’on persiste Ă appeler le « modèle social français ». Le « refonder », disent les uns, le « rĂŠformer » â ah ce mot « rĂŠforme » qu’on utilise toujours, par facilitĂŠ â le « revisiter » ou peut-ĂŞtre le replâtrer Ă l’intĂŠrieur, le ravaler Ă l’extĂŠrieur.
Les mêmes bons esprits gagneraient sans doute à replacer le problème dans sa dimension rÊelle.
Le fait mĂŞme de parler de « modèle », et de modèle « français » !, renvoie en effet Ă une connotation mortifère d’invariance.
Ce ne sont pas les salariĂŠs, encore moins les travailleurs indĂŠpendants, qui s’expriment, ce sont les centrales syndicales, la plus lourde ĂŠtant la vieille CGT.
Or, en face, ce ne sont mĂŞme pas les reprĂŠsentants du peuple qui lĂŠgifèrent. On pourrait alors, si tel ĂŠtait le cas, parler de dĂŠmocratie. Au contraire, les projets de lois ne sont, en façade, poussĂŠs par les ministres qui communiquent sur ce qu’ils sortent des placards de leurs administrations. Il semblerait donc plus lĂŠgitime de parler de technocratie.
Or, on doit constater que, tout se joue, au mĂŠpris de l’opinion populaire, entre les cercles de ce pouvoir technocratique, Ă peine entravĂŠs des contestations essentiellement « conservatrices » oĂš l’on retrouve Ă l’Ĺuvre les sections syndicales.
Observons ainsi le calendrier des prochaines grèves à venir.
Le 1er octobre une partie, la partie cĂŠgĂŠtiste, des personnels des hĂ´pitaux et de l’action sociale suivra, dans toute la France, ce jeudi un mot d’ordre de grève nationale lancĂŠe par la CGT et le mouvement syndical SUD. Rappelons que depuis Anicet Le Pors et le gouvernement Mauroy (1981-1984) on affecte de croire que ces personnels constituent une « fonction publique hospitalière » alors mĂŞme qu’ils ne bĂŠnĂŠficient pas des multiples avantages des salariĂŠs de l’Ătat. Ceci ouvre ĂŠvidemment un champ de revendications constantes et qui ne peuvent pas aboutir, en particulier s’agissant de la durĂŠe hebdomadaire du travail.
Ă partir du 5 octobre, pour ceux des mĂŠdecins gĂŠnĂŠralistes de libre exercice qui suivent les mots d’ordre de MG France, et dès le 3 octobre pour les affiliĂŠs de 4 autres syndicats mĂŠdicaux, les cabinets des grĂŠvistes, tant gĂŠnĂŠralistes que spĂŠcialistes, seront fermĂŠs.
Soulignons que quelque 500Â 000 professionnels de santĂŠ de notre pays, sans relever non plus du cas des fonctionnaires, se trouvent de plus en plus assujettis aux contraintes d’une administration toute puissante.
Ceci dĂŠcoule du simple fait que leurs syndicats ont signĂŠ des conventions avec l’assurance-maladie monopoliste. Celle-ci est, fictivement, gĂŠrĂŠe par le ministère de la SantĂŠ. Mais notoirement en fait elle est contrĂ´lĂŠe par le ministère des Finances. Aujourd’hui ils protestent contre les nouvelles « mesures », prĂŠsentĂŠes pour des « rĂŠformes » de Marisol Touraine.
Le 8 octobre 2015 est annoncĂŠe aussi, pour toute la journĂŠe une grève « gĂŠnĂŠrale et nationale » dĂŠcidĂŠe par les centrales syndicales CGT, FSU et Solidaires. Ces bureaucraties appellent indistinctement tous les salariĂŠs, des secteurs publics et privĂŠs, Ă faire grève ce jour pour contester ce qu’ils appellent « les rĂŠformes du gouvernement concernant l’emploi ».
Certes, on peut douter de l’adhĂŠsion des intĂŠressĂŠs Ă de tels mots d’ordre. Mais il est un fait que ce mouvement Ă vocation Ă perturber les administrations, les services publics, les ĂŠcoles, une partie des entreprises privĂŠes et par consĂŠquent la vie quotidienne de très nombreuses familles.
Les dĂŠsordres, notamment dans les transports, devraient commencer le 7 octobre Ă 19 heures et durer jusqu’au 9 octobre Ă 8 heures dans les transports publics urbains, les taxis monopolistes, le chemin de fer, les crèches, les Êcoles maternelles et primaires, l’enseignement ĂŠtatique secondaire, les bibliothèques, la poste, diverses administrations, y compris dans certaines villes et communautĂŠs de villages le ramassage des ordures etc.
Ne surestimons pas Ă l’avance comme les mĂŠdias le font trop souvent, l’impact rĂŠel de « la grève ». Mais ne sous-estimons pas non plus la volontĂŠ de nuire et de montrer une capacitĂŠ de nuisance qui, s’agissant des enseignants de la FSU, prĂŠtend se dresser, aux cĂ´tĂŠs de la CGT et de son flanc gauche « Sud Solidaires » contre les timides dĂŠrives nĂŠolibĂŠrales du gouvernement.
De telles alertes sont lancĂŠes pour rĂŠpondre Ă une double prĂŠoccupation : d’une part il s’agit faire piĂŠtiner sinon reculer les pouvoirs publics, et d’abord le parti socialiste, dans la voie « sociale-rĂŠformiste », qu’ils affectent d’avoir plus ou moins choisie. Reconnaissons que dans la pratique, ils ne s’y sont guère engagĂŠs. Or, d’autre part, plus subtilement, tous ces blocages tendent Ă intimider les grosses entreprises. En effet, une partie de leurs dirigeants pense que seule la majoritĂŠ actuelle peut, Ă moindres frais en termes de conflits sociaux, procĂŠder aux « nĂŠcessaires rĂŠformes ».
Or, parmi celles-ci la libertĂŠ de « l’ouverture des magasins le dimanche », prĂŠvue par la Loi Macron, quoique restreinte Ă des zones ĂŠvaluĂŠes administrativement donc arbitrairement « touristiques », va donner lieu le 15 octobre Ă une grève de certains salariĂŠs des commerces de Paris Ă laquelle les appellent plusieurs bureaucraties syndicales. Cet ĂŠpisode sera peut-ĂŞtre le plus intĂŠressant, dans la mesure oĂš, culturellement, cette libĂŠralisation provoque aussi de nombreuses rĂŠticences « droitières ».
Au total, la France ne pourra pas faire l’ĂŠconomie d’une remise en cause de ces blocages et de ces chantages, oĂš la vieille CGT stalinienne joue le rĂ´le moteur, ou plutĂ´t de frein moteur, Ă l’encontre de la modernisation du pays.
JG Malliarakis   http://www.insolent.fr/