La hausse des prix annoncûˋe a conduit les Russes û convertir leurs devises. Les habitants se sont ruûˋs sur les biens de longue consommation
La Russie est officiellement entrûˋe en rûˋcession au mois de novembre, avec une contraction de 0,5% en glissement annuel, a indiquûˋ lundi le Ministû´re de lãûˋconomie russe. La chute prolongûˋe du prix du baril de pûˋtrole et celle, plus rapide encore, du rouble (40% par rapport au dollar et û lãeuro depuis janvier), va dûˋboucher sur la plus sûˋvû´re crise ûˋconomique depuis quinze ans. Lãinflation pourrait atteindre 11% en 2014, dãaprû´s Andreû₤ Beloussov, conseiller ûˋconomique du prûˋsident russe.
Pour la premiû´re fois depuis 1999, les Russes perûÏoivent une baisse flagrante de leur pouvoir dãachat. Un phûˋnomû´ne auquel Vladimir Poutine, arrivûˋ au pouvoir en 2000, nãa pas encore ûˋtûˋ confrontûˋ. Mercredi dernier, il a demandûˋ û ses ministres de faire en sorte que la vodka reste bon marchûˋ, de crainte quãune forte hausse nãinduise lãapparition dãun marchûˋ noir, avec de terribles consûˋquences sanitaires.
ô¨Le prix des bananes a triplûˋ chez mon ûˋpicierô£, sãirrite de son cûÇtûˋ Maria Drobysheva, mû´re au foyer. ô¨On ne comprend pas pourquoi certains produits augmentent û ce point. Il y a un mois, mon ticket de caisse tournait autour de 2000 roubles [34,5 francs], maintenant cãest 3000 roubles [52ô francs], alors que jãai cessûˋ dãacheter les produits qui ont le plus enchûˋri. Pendant ce temps, le salaire de mon mari nãaugmente pas.ô£ Mûˆme les articles produits en Russie subissent une importante hausse des prix.
La dûˋvaluation sans prûˋcûˋdent du rouble au cours du mois de dûˋcembre a entraûÛnûˋ une crise de confiance envers la devise nationale. Les Russes se sont mis û se dûˋbarrasser frûˋnûˋtiquement de leurs roubles. Soit en les convertissant en dollars ou en euros. Soit en achetant des biens de longue utilisation, comme des voitures, des meubles, de lãûˋlectromûˋnager, des smartphones et des tûˋlûˋviseurs. Des centaines de magasins ont ûˋtûˋ littûˋralement pris dãassaut pour devancer la hausse des prix. ô¨Je me suis achetûˋ un smartphone et jãen ai offert un û mon ûˋpouse avant que le prix ne soit ajustûˋô£, explique Anton Kravchenko, trû´s content de lui. ô¨AujourôÙdãhui, ces appareils sont presque deux fois plus chers en roubles.ô£ Quasiment tous les grands fabricants dãappareils ûˋlectroniques ont relevûˋ leurs prix pour compenser la dûˋvaluation du rouble. Le quotidien russeô Vedomostiô a observûˋ que les prix des tûˋlûˋviseurs et des ordinateurs personnels ont augmentûˋ de 50% en moyenne entre la fin de novembre et le 18ô dûˋcembre.
Ceux qui ne disposent pas dãûˋpargne ã ils sont trû´s nombreux ã ont dûˋjû rûˋduit drastiquement leur train de vie. Voire leur lieu de vie. ô¨Je suis au chûÇmage depuis la semaine derniû´reô£, explique Denis Filatov, 32ô ans, vendeur dans un magasin de carrelage. ô¨Le patron ne mãa pas licenciûˋ, mais il mãa dit quãil ne serait pas en mesure de me payer ce quãil me doit pour le mois de dûˋcembre, car il est endettûˋ jusquãau cou. Tous nos carrelages sont importûˋs et ils viennent dãaugmenter de 40%. La clientû´le a dûˋsertûˋ. Dans mon mûˋtier, il nãy a plus de travail du tout. Je suis contraint de rentrer dans ma ville dãorigine [Saratov, rûˋgion de la Volga], parce que la vie û Moscou est trop chû´re. Je vais attendre au chaud chez mes parents que la crise passe, parce quãû Saratov, il nãy a aucune chance que je trouve un emploi correctement payûˋ.ô£
La peur du chûÇmage, jusquãici û taux trû´s faible (5%), renverse la ôÙsituation sur le marchûˋ du travail. ô¨Mon patron a dûˋjû rûˋduit mon salaire dãun tiersô£, explique Anna Slasheva, 28ô ans, assistante de direction. ô¨Mon pouvoir dãachat est divisûˋ par deux au minimum, û cause de la chute du rouble et de lãinflation. Mais je prûˋfû´re accepter la rûˋduction de salaire que me retrouver au chûÇmage lãannûˋe prochaine.ô£ Jusquãici, le marchûˋ du travail moscovite ûˋtait caractûˋrisûˋ par un trû´s fort turnover des employûˋs, sautant dãun emploi û un autre pour un meilleur salaire. Anna prûˋfû´re se serrer la ceinture que de prendre ce risque. ô¨Jãai renoncûˋ û plein de choses: une virûˋe û Paris avec des copines pour le Nouvel An. A la place, je vais voir mes parents en Sibûˋrie. Je nãachû´te plus rien en dehors du strict nûˋcessaire. Fini les sorties au restaurant, le shopping, lãabonnement û la salle de gym. Mon propriûˋtaire veut augmenter le loyer et lãindexer au dollarãÎ chacun cherche û compenser ses pertes aux dûˋpens de son prochain!ô£ se lamente Anna.
La location dãappartement û des ûˋtrangers ou des provinciaux apporte des revenus importants û de nombreux Moscovites de souche. Pour eux aussi cãest la dûˋconfiture. Moscou est lãune des villes les plus chû´res dãEurope. Mais les sanctions ont dûˋjû fait fuir de nombreux expatriûˋs. Les ouvriers du bûÂtiment, le plus souvent des immigrûˋs dãAsie centrale, dûˋsertent aussi la capitale û cause du gel de nombreux chantiers, faute de financement. Les loyers ont donc plutûÇt tendance û baisser rapidement.
Presque tous les Moscovites sont touchûˋs dãune maniû´re ou dãune autre. Ils le sont davantage que le reste du pays, car les habitudes de consommation provinciales sont moins tournûˋes vers les produits importûˋs. La crise frappera la Russie profonde avec un dûˋcalage de quelques mois. Les ûˋconomistes annoncent un printemps social pûˋnible et une inflation û deux chiffres en 2015.