Par Murray N. Rothbard.
Traduit par Marc Lassort, Institut Coppet. Les titres de section sont du traducteur.
Murray N. Rothbard (1926-1995) fut le doyen de lâécole autrichienne, fondateur du libertarianisme moderne, etdirecteur académique du Mises Institute. Il fut également éditeur avec Lew Rockwell du Rothbard-Rockwell Report, et avait nommé Lew Rockwell comme son exécuteur testamentaire.
La trahison de Reagan
Au printemps 1981, les républicains conservateurs de la Chambre des représentants ont pleuré. Ils pleuraient parce que, dans la première vague de la Révolution Reagan, qui était censée apporter des coupes drastiques dans les dépenses publiques et les impôts, ainsi quâun budget équilibré, il leur était demandé par la Maison Blanche et leurs propres dirigeants de voter pour une augmentation de la limite légale de la dette publique fédérale, qui a ensuite atteint le plafond légal dâun billion de dollars. Ils pleuraient parce que toute leur vie, ils avaient voté contre lâaugmentation de la dette publique, et maintenant on leur demandait, leur propre parti et leur propre mouvement, de violer leurs principes de toujours. La Maison Blanche et sa direction leur assurait que cette violation, en principe, serait la dernière : quâil était nécessaire pour une dernière fois dâaugmenter le plafond de la dette pour donner au Président Reagan une chance de parvenir à un budget équilibré et de commencer à rembourser la dette. Beaucoup de ces républicains en larmes avaient annoncé quâils prenaient cette étape décisive parce quâils avaient profondément confiance en leur Président, qui ne les laisserait pas tomber.
De belles paroles. En un sens, les gestionnaires de Reagan avaient raison : il nây avait plus de larmes, plus de plaintes, car les principes eux-mêmes avaient été vite oubliés, envoyés dans les poubelles de lâhistoire. Les déficits et la dette publique se sont depuis lors massivement entassés, et peu de personnes sâen soucient, encore moins les républicains conservateurs. Après quelques années, la limite légale fut augmentée automatiquement. à la fin du règne de Reagan, la dette fédérale était de 2,6 billions de dollars, elle est maintenant de 3,5 billions de dollars et est en hausse rapide [1]. Et câest le côté optimiste de la situation, parce que si vous ajoutez les garanties de prêts « hors-budget », et les charges, la grande dette fédérale totale est de 20 billions de dollars.
Avant lâère Reagan, les conservateurs étaient clairs sur ce quâils pensaient des déficits et de la dette publique : un budget équilibré était bon, et les déficits et la dette publique étaient mauvais, entassés par les keynésiens et les socialistes qui dépensent sans compter, qui proclamaient de manière absurde quâil nây avait rien de mal ou dâonéreux à propos de la dette publique. Dâaprès les célèbres déclarations de lâapôtre keynésien de gauche de la « finance fonctionnelle », le Professeur Abba Lerner, il nây a rien de mal avec la dette publique parce que « nous la devons à nous-mêmes ». En ces temps, au moins, les conservateurs étaient assez astucieux pour se rendre compte que cela faisait une énorme différence de montant, lors du combat avec les collectifs obscurément nommés, entre celui qui fait partie de « nous » (le contribuable accablé) et celui qui fait partie de « nous-mêmes » (ceux qui vivent en dehors du produit de la fiscalité).
Depuis Reagan, cependant, la vie intellectuelle et politique est allée à lâenvers. Les conservateurs et les supposés économistes « libéraux » ont retourné leur veste pour trouver de nouvelles raisons pour lesquelles « les déficits nâimportent pas », pourquoi nous devrions tous nous détendre et profiter du processus. Peut-être que lâargument le plus absurde des Reaganomistes était que nous ne devrions pas nous inquiéter de lâaugmentation de la dette publique parce quâelle était adaptée au bilan fédéral par une expansion des « actifs » publics. Il y avait là un nouveau tournant dans la macroéconomie libérale : les choses vont bien car la valeur des actifs étatiques monte ! Dans ce cas, pourquoi lâÃtat ne nationalise-t-il pas purement et simplement tous les actifs ? Les Reaganomistes en sont venus en effet à tous les arguments imaginables pour justifier la dette publique, à lâexception de la phrase dâAbba Lerner, et je suis convaincu quâils ne recyclent pas cette phrase parce quâil serait difficile de la soutenir avec un visage impassible à un moment où la propriété étrangère de la dette publique est en pleine ascension. Même en dehors de la propriété étrangère, il est beaucoup plus difficile de soutenir la thèse de Lerner quâauparavant. à la fin des années 30, lorsque Lerner a énoncé sa thèse, le total des paiements dâintérêt sur la dette publique a été dâun milliard de dollars. Maintenant, ils ont grimpé en flèche à 200 milliards de dollars, le troisième élément le plus important dans le budget fédéral, après lâarmée et la sécurité sociale : le « nous » devient de plus en plus minable par rapport au « nous-mêmes ».
Considérations générales sur la dette
Pour penser intelligemment sur la dette publique, nous devons dâabord revenir aux principes premiers et considérer la dette en général. En dâautres termes, une opération de crédit survient lorsque C, le créancier, transfère une somme dâargent (disons 1000 dollars) à D, le débiteur, en échange de la promesse que D remboursera C dans le délai dâun an avec paiement des intérêts. Si le taux dâintérêt convenu de la transaction est de 10%, alors le débiteur sâoblige à payer dans un délai dâun an 1100 dollars au créancier. Ce remboursement termine la transaction, qui contrairement à une vente régulière, se déroule au fil du temps.
Jusquâà présent, il est clair quâil nây a rien de « mal » avec la dette privée. Comme pour tout commerce privé ou échange sur le marché, les deux parties de lâéchange gagnent, et personne ne perd. Mais supposons que le débiteur est stupide, que cela dépasse ses capacités financières, et quâil se rend compte quâil ne peut pas rembourser la somme quâil avait acceptée ? Ceci, bien sûr, est un risque encouru par la dette, et le débiteur a intérêt à garder ses dettes jusquâà ce quâil puisse assurément rembourser. Mais ce nâest pas un problème de dette à lui seul. Tout consommateur peut dépenser bêtement. Un homme peut faire sauter tout son salaire sur un bijou coûteux et ensuite se rendre compte quâil ne peut pas nourrir sa famille. Donc la folie des consommateurs nâest guère un problème confiné à la dette seule. Mais il y a une différence cruciale : si un homme est dépassé par ses capacités de remboursement et ne peut pas payer, le créancier souffre aussi, car le débiteur nâa pas réussi à rendre la propriété du créancier. Dans un sens profond, le débiteur qui ne parvient pas à rembourser les 1100 dollars dus au créancier a volé la propriété qui appartient au créancier. Nous avons ici non seulement une dette civile, mais un délit, une agression contre la propriété dâautrui.
Le sort des débiteurs
Au cours des siècles précédents, lâinfraction commise par le débiteur insolvable était considérée comme grave, et à moins que le créancier fût prêt à « pardonner » la dette par charité, le débiteur continuait à devoir de lâargent plus lâaccumulation des intérêts, plus les pénalités pour la poursuite du non-paiement. Souvent, les débiteurs étaient envoyés en prison jusquâà ce quâils puissent payer â un peu draconien peut-être, mais au moins dans le véritable esprit de faire respecter les droits de propriété et de faire respecter lâinviolabilité des contrats. Le problème pratique majeur était la difficulté pour les débiteurs en prison de gagner lâargent pour rembourser le prêt. Peut-être quâil aurait été préférable de permettre au débiteur dâêtre libre, à condition que ses revenus aillent payer le créancier pour son dû.
Dès le XVIIe siècle, cependant, les Ãtats ont commencé à sangloter sur le sort des malheureux débiteurs, en ignorant le fait que les débiteurs insolvables sâétaient mis eux-mêmes dans leur situation, et ils ont commencé à subvertir leur propre fonction proclamée de lâexécution des contrats. Les lois sur la faillite ont été adoptées, qui, de plus en plus, ont laissé les débiteurs se débrouiller, et ont empêché les créanciers dâobtenir leur propre propriété. Le vol était de plus en plus toléré, lâimprévoyance était subventionnée, et lâépargne était entravée. En fait, avec le dispositif moderne du chapitre 11, institué par la loi sur la réforme des faillites de 1978, non seulement les gestionnaires et les actionnaires inefficaces et imprévoyants sâen tirent facilement, mais ils restent souvent dans des positions de pouvoir, sans dette et gérant encore leurs entreprises, et affligeant les consommateurs et les créanciers de leurs inefficacités. Les économistes utilitaristes néoclassiques modernes ne voient rien de mal à cela. Le marché, après tout, « sâadapte » à ces changements dans la loi. Il est vrai que le marché peut sâadapter à presque tout, et donc ? Entraver les créanciers signifie que les taux dâintérêt augmentent en permanence, pour le sérieux et lâhonnête ainsi que pour les imprévoyants, mais pourquoi les premiers devraient-ils être taxés pour subventionner les seconds ? Mais il y a des problèmes plus profonds avec cette attitude utilitariste. Câest la même revendication amorale des mêmes économistes, qui veut quâil nây ait rien de mal avec la montée du crime contre les résidents ou les commerçants du centre-ville. Le marché, affirment-ils, sâadaptera et proposera des rabais pour de tels taux élevés de criminalité, et donc les loyers et la valeur des logements seront plus faibles dans les régions du centre-ville. Alors tout sera pris en charge. Mais quelle sorte de consolation est-ce ? Et quelle sorte de justification à lâagression et au crime ?
Dans une société juste, alors, seul le pardon volontaire des créanciers laisserait les débiteurs sâen tirer facilement, sinon, les lois sur les faillites sont une invasion injuste des droits de propriété des créanciers.
Un mythe à propos des « débiteurs » est que les débiteurs sont habituellement pauvres et que les créanciers sont riches, de sorte quâintervenir pour sauver les débiteurs est simplement une exigence de « justice » égalitaire. Mais cette hypothèse nâa jamais été vraie : dans les affaires, plus riche est lâhomme dâaffaires, plus il est susceptible dâêtre un large débiteur. Ce sont les dettes des Donald Trump et de Robert Maxwell de ce monde qui dépassent spectaculairement leurs actifs. La pression exercée pour lâintervention au nom des débiteurs a généralement été défendue par des grandes entreprises avec de larges dettes. Dans les sociétés modernes, lâeffet des lois sur la faillite toujours plus restrictives a été dâentraver les créanciers obligataires pour le bénéfice des actionnaires et des dirigeants actuels, qui sont généralement installés par, et alliés avec, quelques grands actionnaires dominants. Le fait quâune entreprise soit insolvable démontre que ses gestionnaires ont été inefficaces, et quâils doivent être rapidement retirés de la scène. Les lois sur la faillite qui maintiennent la prolongation de la règle des gestionnaires existants envahit non seulement les droits de propriété des créanciers, mais nuit également aux consommateurs et au système économique entier en empêchant le marché de purger les gestionnaires imprévoyants et inefficaces et les actionnaires, et de transférer la propriété des actifs industriels aux créanciers les plus efficaces. Non seulement cela. Dans un article récent dâune revue de droit, Bradley et Rosenzweig ont montré que les actionnaires, autant que les créanciers, ont perdu un montant significatif dâactifs dus à lâinstauration du Chapitre 11 en 1978. Comme ils écrivent, « si les obligataires et les actionnaires sont tous les deux perdants en vertu du Chapitre 11, alors qui sont les gagnants ? » Les gagnants se révèlent être, de manière remarquable et sans surprise, les gestionnaires dâentreprises existants, inefficaces, ainsi que les avocats assortis, les comptables, et les conseillers financiers qui gagnent des frais énormes de réorganisation de faillites.
Dans une économie de libre marché qui respecte les droits de propriété, le volume de la dette privée est auto-contrôlé par la nécessité de rembourser le créancier, car aucun Ãtat paternaliste ne vous laissera filer facilement. En outre, le taux dâintérêt quâun débiteur doit payer ne dépend pas seulement du taux général de préférence temporelle, mais aussi du degré de risque quâun débiteur pose à un créancier. Un bon risque de crédit sera une « prime à lâemprunteur », qui paiera relativement peu dâintérêts. Dâautre part, une personne imprévoyante ou un fugitif qui a été en faillite avant, aura à payer un taux dâintérêt beaucoup plus élevé, proportionnel au degré de risque sur le prêt.
Différences entre dette publique et dette privée
La plupart des gens, malheureusement, appliquent la même analyse à la dette publique quâils le font à la dette privée. Si lâinviolabilité des contrats devait régner dans le monde de la dette privée, ne devrait-elle pas être tout aussi sacro-sainte dans la dette publique ? La dette publique ne devrait-elle pas être régie par les mêmes principes que la dette privée ? La réponse est non, même si une telle réponse peut choquer la sensibilité de la plupart des gens. La raison est que les deux formes de la transaction-dette sont totalement différentes. Si jâemprunte de lâargent à partir dâune banque de crédit hypothécaire, je conclus un contrat pour transférer mon argent à un créancier à une date future ; dans un sens profond, il est le véritable propriétaire de lâargent à ce moment-là , et si je ne paie pas, je le vole de sa propriété légitime. Mais quand lâÃtat emprunte de lâargent, ce nâest pas le gage de ses propres deniers : ses propres ressources ne sont pas endettées. LâÃtat nâengage pas sa propre vie, sa fortune, et lâhonneur sacré de rembourser la dette, mais les nôtres. Câest une cavalerie, et une transaction, de teints très différents.
Car contrairement au reste dâentre nous, lâÃtat ne vend pas de biens ou de services productifs et donc ne gagne rien. Il ne peut obtenir de lâargent quâen pillant nos ressources à travers les impôts, ou à travers la taxe déguisée de la contrefaçon légalisée appelée « lâinflation ». Il y a des exceptions, bien sûr, comme lorsque lâÃtat vend des timbres aux collectionneurs ou transporte notre courrier avec une grave inefficacité, mais la grosse majorité des revenus étatiques est acquise par lâimpôt ou son équivalent monétaire. En fait, à lâépoque de la monarchie, et surtout dans la période médiévale avant lâavènement de lâÃtat moderne, les rois obtenaient eux-mêmes lâessentiel des revenus de leurs biens privés â tels que les forêts et les terres agricoles. Leur dette, en dâautres termes, était plus privée que publique, et de ce fait, leur dette sâélevait à presque rien par rapport à la dette publique qui a commencé en beauté à la fin du XVIIe siècle.
La transaction de la dette publique est donc très différente de la dette privée. Au lieu dâun créancier à faible préférence temporelle échangeant de lâargent contre la reconnaissance de dette dâun débiteur à grande préférence temporelle, lâÃtat reçoit maintenant de lâargent de ses créanciers, les deux parties se rendant compte que lâargent sera remboursé non à partir des poches ou des cachettes des politiciens et des bureaucrates, mais des portefeuilles pillés et des sacs à main des contribuables malheureux, les sujets de lâÃtat. LâÃtat reçoit lâargent par la coercition fiscale, et les créanciers publics, loin dâêtre innocents, savent très bien que leurs produits vont sortir de cette même contrainte. En bref, les créanciers publics sont maintenant prêts à remettre lâargent à lâÃtat afin de recevoir une part du butin de lâimpôt dans le futur. Câest le contraire dâun marché libre, ou dâune transaction réellement volontaire. Les deux parties sont immoralement contractantes dâune participation à la violation des droits de propriété des citoyens dans le futur. Les deux parties font par conséquent des accords sur la propriété dâautrui, et cela mérite dâêtre connu. La transaction de crédit public nâest pas un véritable contrat qui a besoin dâêtre considéré comme sacro-saint, pas plus que les voleurs partageant à lâavance les résultats de leur pillage ne doivent être traités par une sorte de contrat sanctifié.
Toute fusion de la dette publique dans une transaction privée doit reposer sur la notion commune mais absurde selon laquelle lâimposition est réellement « volontaire », et que chaque fois que lâÃtat fait quelque chose, « nous » le faisons volontairement. Ce mythe commode était exposé avec un ton humoristique mais incisif par le grand économiste Joseph Schumpeter : « La théorie qui assimile les impôts à des cotisations de cercles ou à lâachat des services, par exemple, dâun médecin, prouve seulement combien cette branche des sciences sociales reste encore étrangère à lâapplication des méthodes scientifiques. » [2] La morale et lâutilité économique vont généralement de pair. Contrairement à Alexandre Hamilton, qui a parlé à une petite mais influente clique de créanciers publics de New York et de Philadelphie, la dette nationale nâest pas une « bénédiction nationale ». Le déficit public annuel, plus le paiement de lâintérêt de la dette, qui ne cessent dâaugmenter dans le total que la dette accumule, canalisent de plus en plus lâépargne privée précieuse et rare, et en font des gâchis publics inutiles qui « évincent » les investissements productifs. Les économistes de lâestablishment, y compris les Reaganomistes, éludent habilement la question en qualifiant arbitrairement dâ« investissements » la quasi-totalité des dépenses publiques, faisant penser que tout va bien, que tout est épatant, parce que lâépargne est « investie » de manière productive. Cependant, en réalité, les dépenses publiques ne se qualifient pas dâ« investissements » dans un sens orwellien : lâÃtat dépense réellement au nom des « biens de consommation » et des désirs des bureaucrates, des politiciens, et de leurs groupes de clients dépendants. Les dépenses publiques, donc, plutôt que dâêtre des « investissements », sont des dépenses de consommation dâune sorte particulièrement inutile et improductive, car elles sont livrées non par les producteurs mais par une classe parasite qui vit au large, et affaiblit de plus en plus le secteur privé productif. Ainsi, nous voyons que les statistiques ne sont pas le moins du monde « scientifiques » ou « sans valeur » : la manière dont les données sont classées â si par exemple, les dépenses publiques sont de la « consommation » ou de « lâinvestissement » â dépend de la philosophie politique et des idées du classificateur.
Le fardeau de la dette
Les déficits et une dette grimpante sont donc un fardeau croissant et intolérable sur la société et lâéconomie, à la fois parce quâelles augmentent le fardeau de la dette et parce quâelles épuisent de plus en plus les ressources de la production vers le secteur « public », contreproductif et parasitaire. En outre, chaque fois que les déficits sont financés par lâexpansion du crédit bancaire â en dâautres termes, en créant de la nouvelle monnaie â les questions deviennent encore pires, puisque lâinflation de crédit crée une inflation des prix permanente et croissante ainsi que des vagues de « cycles économiques » de prospérité et de récession.
Câest pour toutes ces raisons que les Jeffersoniens et les Jacksoniens (qui, contrairement aux mythes des historiens, étaient extraordinairement compétents en théorie économique et monétaire) ont haï et méprisé la dette publique. En effet, la dette nationale a été payée deux fois dans lâhistoire américaine, la première fois par Thomas Jefferson et la seconde, et sans doute la dernière fois, par Andrew Jackson.
Malheureusement, le remboursement de la dette nationale, qui va bientôt atteindre 4 billions de dollars, va bientôt entraîner la faillite de lâensemble du pays. Pensez aux conséquences de lâimposition de nouveaux impôts de 4 billions de dollars aux Ãtats-Unis lâannée prochaine ! Une autre façon, et presque aussi dévastatrice, de rembourser la dette publique serait dâimprimer 4 billions de dollars de nouvelle monnaie â soit en dollars papier ou en créant un nouveau crédit bancaire. Cette méthode serait extraordinairement inflationniste, et les prix exploseraient très rapidement, ruinant tous les groupes dont les revenus nâauraient pas augmenté dans la même mesure, et détruisant la valeur du dollar. Mais câest en substance ce qui se passe dans les pays qui pratiquent lâhyper-inflation, comme lâAllemagne en 1923, et dans dâinnombrables pays, en particulier dans le Tiers-Monde. Si un pays gonfle la monnaie pour augmenter sa dette, les prix augmentent de sorte à ce que les dollars, les marks ou les pesos que reçoivent les créanciers valent beaucoup moins que les dollars ou les pesos quâils ont originellement prêtés. Quand un Américain achetait une obligation allemande de 10 000 marks en 1914, elle valait plusieurs milliers de dollars. Ces 10 000 marks à la fin 1923 nâauraient pas valu plus dâun bâton de chewing-gum. Lâinflation est donc une manière sournoise et une manière terriblement destructrice de répudier indirectement la « dette publique ». Elle est destructrice car elle ruine lâunité de monnaie, dont les individus et les entreprises dépendent pour le calcul de toutes leurs décisions économiques.
Répudier la dette publique
Je propose donc dâune manière apparemment drastique mais en réalité beaucoup moins destructrice de rembourser la dette publique dâun seul coup : la répudiation pure et simple de la dette. Considérons cette question : pourquoi les pauvres, les citoyens maltraités de Russie, de Pologne ou des autres pays ex-communistes sont liés par les dettes contractées par leurs anciens maîtres communistes ? Dans la situation communiste, lâinjustice est claire : elle est que les citoyens qui luttent pour la liberté et pour une économie libérale doivent être taxés pour payer les dettes contractées par lâancienne classe dirigeante monstrueuse. Mais cette injustice diffère seulement par le degré de dette publique « normale ». Car, au contraire, pourquoi lâÃtat communiste de lâUnion soviétique serait lié par les dettes contractées par lâÃtat tsariste quâils détestaient et ont renversé ? Et pourquoi devrions-nous, citoyens américains dâaujourdâhui en lutte, être liés par des dettes créées par une élite dirigeante passée qui a contracté ces dettes à nos dépends ? Un des arguments convaincants contre les « réparations » visant à payer les Noirs pour lâesclavage passé, câest que nous, les vivants, nâavons pas été esclavagistes. De même, nous, les vivants, nâavons pas contracté dans le passé ou le présent des dettes contractées par les politiciens et les bureaucrates de Washington.
Bien que largement oubliée par les historiens et le public, la répudiation de la dette publique est une partie solide de la tradition américaine. La première vague de répudiation de la dette de lâÃtat est venue pendant les années 1840, après les paniques de 1837 et de 1839. Ces paniques étaient la conséquence dâun boom inflationniste massif alimenté par la Seconde banque des Ãtats-Unis dirigée par les Whigs. Surfant sur la vague du crédit inflationniste, de nombreux gouvernements des Ãtats, en grande partie ceux qui étaient dirigés par les Whigs, flottaient sur une quantité énorme de dette, dont la plupart était allée dans les travaux publics inutiles (appelés par euphémisme des « améliorations internes »), et dans la création de banques inflationnistes. Lâemprunt de dette publique par les gouvernements des Ãtats a grimpé de 26 millions de dollars à 170 millions de dollars au cours de la décennie des années 1830. La plupart de ces titres ont été financés par des investisseurs britanniques et néerlandais.
Durant les années déflationnistes de 1840, succédant à la panique, les gouvernements des Ãtats étaient confrontés au remboursement de leur dette en dollars, qui avaient maintenant moins de valeur que ceux quâils avaient empruntés. De nombreux Ãtats, maintenant largement dans les mains démocrates, ont rencontré la crise en répudiant ces dettes, soit totalement soit partiellement en révisant à la baisse leur montant par des « réajustements ». Plus précisément, sur les 28 Ãtats américains dans les années 1840, 9 étaient dans la position glorieuse de nâavoir aucune dette publique, et 1 (le Missouri) avait une dette négligeable. Sur les 18 restants, 9 ont payé lâintérêt sur leur dette publique sans interruption, pendant que 9 (Maryland, Pennsylvanie, Indiana, Illinois, Michigan, Arkansas, Louisiane, Mississippi et Floride) ont répudié une partie ou la totalité de leurs engagements. Parmi ces Ãtats, quatre ont fait défaut pendant plusieurs années sur le paiement des intérêts, alors que les cinq autres (Michigan, Mississippi, Arkansas, Louisiane et Floride) ont totalement et définitivement répudié leur dette publique. Comme dans toutes les répudiations de la dette, le résultat était dâévacuer une lourde charge sur le dos des contribuables des Ãtats qui ont fait défaut et répudié la dette.
En dehors de lâargument moral ou de la sainteté contractuelle contre la répudiation, que nous avons déjà discutés, lâargument économique classique est que cette répudiation est désastreuse, car qui, dans son esprit droit, prêterait à nouveau à un Ãtat qui a répudié ? Mais le contre-argument efficace a rarement été pris en compte : pourquoi davantage de capitaux privés devraient être versés dans les trous à rats de lâÃtat ? Câest précisément lâassèchement du crédit public futur qui constitue lâun des principaux arguments en faveur de la répudiation, car cela signifie lâassèchement avantageux dâun canal majeur détruisant inutilement lâépargne du public. Ce que nous voulons, câest une épargne abondante et de lâinvestissement dans les entreprises privées, et un Ãtat minimal, à petit budget, austère et maigre. Les gens et lâéconomie ne peuvent croître de manière prospère et fertile que lorsque lâÃtat est affamé et chétif.
La prochaine grande vague de répudiation de la dette étatique est venue dans le Sud après le fléau de lâoccupation du Nord et le fait que la reconstruction leur ait été enlevée. Huit Ãtats du Sud (Alabama, Arkansas, Floride, Louisiane, Caroline du Nord, Caroline du Sud, Tennessee et Virginie) ont procédé, vers la fin des années 1870 et le début des années 1880, sous des régimes démocrates, à une répudiation de la dette imposée à leurs contribuables par lâaventure corrompue et gaspilleuse des Ãtats radicaux républicains en reconstruction.
Prospectives
Donc que peut-on faire maintenant ? La dette fédérale actuelle est de 3,5 billions de dollars. Environ 1,4 billions de dollars, soit 40%, est détenu par lâun ou lâautre organisme de lâÃtat fédéral. Il est ridicule pour un citoyen dâêtre imposé par un bras de lâÃtat fédéral (le fisc) à payer les intérêts et le principal de la dette détenue par un autre organisme de lâÃtat fédéral. Cela permettrait de sauvegarder beaucoup dâargent du contribuable, et économiserait de lâépargne dâun gâchis de plus, dâannuler purement et simplement cette dette. La prétendue dette est simplement une fiction comptable qui fournit un masque sur la réalité et fournit un moyen commode de frapper dâune amende le contribuable. Ainsi, la plupart des gens pensent que lâAdministration de la sécurité sociale prend leurs primes et les accumulent, peut-être par un investissement sain, puis « remboursera » le citoyen « assuré » quand il aura 65 ans. Rien ne pourrait être plus éloigné de la vérité. Il nây a pas dâassurance et il nây a pas de « fonds », comme il doit y en avoir dans nâimporte quel système dâassurance privé. LâÃtat fédéral prend simplement les « primes » (les impôts) de Sécurité sociale sur la personne jeune, les utilise dans les dépenses générales du Trésor, et puis, lorsque la personne atteint lââge de 65 ans, prend lâargent de quelquâun dâautre pour payer la « prestation dâassurance ». La Sécurité sociale, peut-être lâinstitution la plus vénérée dans la politique américaine, est également le plus grand racket de toutes. Câest tout simplement une chaîne de Ponzi géante contrôlée par lâÃtat fédéral. Mais cette réalité est masquée par lâachat dâobligations dâÃtat par lâAdministration de sécurité sociale, le Trésor dépensant ensuite ces fonds dans ce quâil veut. Mais le fait que lâAdministration de sécurité sociale a des obligations dâÃtat dans son portefeuille, et perçoit des intérêts et le paiement du contribuable américain, lui permet de se faire passer pour une entreprise assurantielle légitime.
Lâannulation des obligations détenues par les agences fédérales a donc réduit la dette fédérale de 40%. Je préconiserais de passer à la répudiation pure et simple de la dette entière, et de laisser les morceaux tomber où ils peuvent. Le résultat glorieux serait une baisse immédiate de 200 milliards de dollars dans les dépenses fédérales, avec au moins la chance dâobtenir une coupe équivalente en impôts.
Mais si ce système est considéré comme trop draconien, pourquoi ne pas traiter lâÃtat fédéral comme est traitée une faillite privée (en oubliant le Chapitre 11) ? LâÃtat est une organisation, alors pourquoi ne pas liquider les actifs de cette organisation et payer les créanciers (les détenteurs dâobligations étatiques) par une part proportionnelle de ces actifs ? Cette solution ne coûterait rien aux contribuables et une fois de plus, le soulagerait de 200 milliards de dollars de paiement des intérêts annuels. LâÃtat fédéral des Ãtats-Unis devrait être contraint de restituer ses biens, de les vendre aux enchères, et ensuite de payer les créanciers en conséquence. Quels actifs étatiques ? Il y a beaucoup dâactifs, de la TVA aux domaines nationaux, comme diverses structures telles que La Poste. Le siège massif de la CIA à Langley, en Virginie, devrait rapporter une belle somme pour suffisamment de logements en copropriété pour lâensemble de la main-dâÅuvre à lâintérieur de la rocade. Nous pourrions peut-être éjecter les Ãtats-Unis des Nations Unies, récupérer les terres et les bâtiments, et les vendre pour un logement de luxe sur la Côte est où vivent de nombreuses célébrités. Un autre heureux hasard de ce processus serait une privatisation massive des terres socialisées de lâouest des Ãtats-Unis et du reste de lâAmérique. Cette combinaison de la répudiation et de la privatisation serait un long chemin pour réduire le fardeau fiscal, en établissant la solidité financière, et en désocialisant les Ãtats-Unis.
Pour aller sur cette voie, cependant, nous devons dâabord nous débarrasser de la mentalité fallacieuse qui amalgame public et privé, et qui traite la dette publique comme sâil sâagissait dâun contrat de production entre deux propriétaires légitimes.
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