Derrière les prélèvements obligatoires existe aussi une multitude de réglementations qui étouffe la croissance et vide lâépargne des Français.
Il y a quelques jours, jâengageais ainsi la conversation avec le contrôleur dâascenseur venu vérifier le fonctionnement de notre installation sur mon lieu de travail :
« Vous venez pour le contrôle annuel ? â Non monsieur, mensuel. Le contrôle des ascenseurs est désormais mensuel. â Tous les ascenseurs ? â Tous ».
Mensuel ! Pour un ascenseur desservant une installation dâun étage, quasiment jamais utilisé de surcroît. Comment est-il possible que le législateur ait imposé une telle obligation manifestement exagérée ?
Les âdépenses contraintesâ, un impôt qui ne dit pas son nom
Un petit détour par « service public » confirme quâil est obligatoire de vérifier âtoutes les 6 semainesâ (et non mensuellement, mais câest un détail) la qualité de la fermeture des portes dâun ascenseur. Cela oblige tout propriétaire à passer un contrat « dâun an minimum » avec un ascensoriste pour cet entretien.
Comment le législateur en est-il arrivé à imposer un tel niveau de contrôle ? Cette décision fut prise à la suite dâun accident dans une cage dâascenseur dâune HLM de banlieue âurbaine sensibleâ, où un enfant était mort parce que les portes sâétaient ouvertes sur une cage vide. Parce quâun ascenseur sans doute fortement dégradé par des locataires indélicats avait causé un drame, une réglementation coûteuse était imposée à tous les propriétaires dâascenseur en milieu normalement soigneux.
Il sâagit donc pour les (co)propriétaires dâune dépense imposée par lâÃtat, dont le caractère superflu apparaît manifeste dans la plupart des cas. Or, vous le savez, la France est déjà un des pays les plus officiellement taxés du monde, ce qui fait que le particulier français ou lâentreprise française dispose, parmi les pays industrialisés, dâun des revenus effectivement disponible les plus faibles. Mais si vous nâêtes pas libre dâune partie de lâaffectation de ces revenus disponibles à cause de normes vous imposant des dépenses contraintes que vous nâauriez pas entreprises sans cela, alors votre revenu âlibrement utilisableâ est encore plus faible que ce que disent les statistiques officielles.
En contrepartie, les lobbies qui ont su vendre ces obligations de contrôle et autres types de dépenses contraintes au législateur sont gagnants. En toute bonne logique, ces dépenses devraient donc être considérées, du point de vue du contribuable, comme un impôt, et du point de vue des récipiendaires, comme une subvention. Il va sans dire que ce nâest pas le cas.
Et des dépenses contraintes, il y en a des dizaines, toujours plus chères et récurrentes. Par exemple, le contrôle technique automobile a vu sa périodicité renforcée depuis son instauration (aujourdâhui 4 ans pour le premier contrôle puis deux ans ensuite). Or, la commission Européenne parle de ramener cette périodicité à un an. Que lâinstauration initiale ait permis dâéliminer nombre dâépaves de nos routes est indéniable, mais nâirions nous pas trop loin, comme pour les ascenseurs ? Câest là la difficulté avec les contrôles de sécurité : il est impossible de décréter par la norme quel est âle juste niveauâ. Par contre, les professionnels du contrôle, lobbys bien organisés, ont intérêt à ce quâil y en ait toujours plus.
Au nom du développement durableâ¦
Mais si les dépenses contraintes se bornaient à quelques contrôles de sécurité superflus, il ne vaudrait même pas la peine dâen parler. La normalisation galopante étend le concept de dépense contrainte au delà du raisonnable, et les prétextes liés au âdéveloppement durableâ en fournissent la âjustificationâ.
Ainsi, fin 2014, le législateur, au nom de nos peurs climatiques (infondées, mais câest un autre débat), a imposé une âobligation de rénovation énergétiqueâ de tout bâtiment dâhabitation insuffisamment isolé de son point de vue, pour le parc locatif avant 2020, pour le parc résidentiel à lâoccasion de toute vente ou succession. Ne sautez pas en lâair trop vite, ce dernier volet ne sera obligatoire quâà partir de 2030, mais dâici là , la loi peut encore être durcieâ¦
Cette loi sâapplique indifféremment pour les logements situés dans le grand nord ou en Provence, et impose une performance énergétique finale indépendamment de sa rentabilité. Or, les expériences internationales montrent que le rendement financier des investissements en isolation des bâtiments existants est très faible. Dâautre part, il est probable que dâici 2030, nos technologies de production dâénergie auront encore progressé et rendront sans intérêt une partie de ces investissement, sans oublier que la disponibilité énergétique (nouvelles filières nucléaires, etcâ¦) sera améliorée, rendant caduc le discours hallucinant actuellement tenu par nos dirigeants sur la nécessité de rationner notre usage de lâénergie.
500 000 logements par an, à un coût de 15 000 euros par logement, représentent tout de même plus de 7 milliards annuels, qui seront répartis entre les propriétaires dâune part, mais aussi tous les contribuables, puisque des carottes fiscales seront mises en Åuvre pour âaiderâ les propriétaires concernés. Câest évidemment un trompe lâÅil : â des logements devant y passer, le crédit dâimpôt dâune année sera les impôts dâune autre, imposé à quasiment tous les propriétaires.
Il sâagit donc de montants de dépenses contraintes considérables, dépenses qui ne seraient pas engagées dans un contexte de choix réellement libre.
Jâavais évoqué il y a quelques années le cas de ce petit hôtel de Touraine tué par le renforcement continuel des normes de protection contre lâincendie, et proposé que les établissements hôteliers soient juste obligés de déclarer à quelle âanciennetéâ de normes ils étaient conformes, sans être obligés de se mettre à jour à une date fixe. Naturellement, le législateur préfère la voie âbrutaleâ, et contraint chaque année des dizaines de petits services et artisanats qui, malgré leur non-respect de la dernière norme, sâétaient obstinés à ne pas brûler ni polluer depuis plusieurs dizaines voire centaines dâannées, à devoir fermer leurs portes, ou à engager des dépenses qui auraient été mieux employées ailleurs. Là encore, ces dépenses contraintes des professionnels concernés ne sont pas considérées comme un impôt, mais elles devraient lâêtre.
Les dépenses contraintes de ce type sont innombrables, je ne puis les énumérer toutes. Mais ce panorama de lâimpôt déguisé ne serait pas complet sans une autre famille de âprélèvements furtifsâ liés, une fois encore, à lâimmobilier.
La loi SRU, où comment faire financer furtivement le logement socialÂ
Comme je lâai écrit de façon détaillée ici, pour financer les quotas de logements sociaux imposés par la loi SRU (renforcée par les lois âDuflotâ), de nombreuses agglomérations imposent à tout constructeur de logement en programme collectif de vendre à perte une partie de sa production à des bailleurs sociaux, publics ou privés, ne laissant aux promoteurs dâautre choix que de répercuter la perte sur les mètres carrés privés de lâopération. Bien sûr, on ne dit surtout pas aux acheteurs quâune partie de leur achat servira à subventionner un voisin électoralement⦠pardon, socialement éligible aux aides au logement. Et voilà comment, par exemple, à Nantes-ville, le prix du m2 des opérations neuves, pourtant déjà élevé, est majoré de 300 à 400 euros, soit 10 à 15% de majoration par rapport au prix quâil serait possible de proposer sans ce transfert.
Là encore, ce prélèvement nâapparaît dans aucune statistique de prélèvement obligatoire. Lâaide perçue par les bénéficiaires de logements bonifiés nâapparaît dans aucun livre comptable de subventions publiques. Pourtant, il sâagit bel et bien dâun impôt déguisé⦠Mais lâéconomie se venge, puisque malgré des taux dâintérêts historiquement faibles, la construction ne redémarre pas, la âmajoration furtive SRUâ faisant sortir le prix du mètre carré de la zone de solvabilité dâun nombre croissant de ménages. Les impôts déguisés ne sont pas meilleurs pour lâéconomie que les impôts visibles.
Le coût du zonage en période de bulle immobilière
Et ce panorama ne serait pas complet si je ne rappelais pas les effets du rationnement du foncier constructible par nos lois de gestion du sol sur le prix des logements. Cette augmentation (quantifiée ici) a représenté, en sommet de bulle, un surcoût dâenviron 45 milliards dâeuros annuels (plus de 2% de notre PIBâ¦) du groupe des acheteurs de logement vers celui des vendeurs⦠sans oublier les marges artificiellement gonflées des intermédiaires. Or, statistiquement, le groupe des vendeurs est plus riche que celui des acheteurs, puisque ces derniers incluent les primo-accédants qui ne possèdent rien, alors que les vendeurs incluent ceux possédant des logements multiples, des promoteurs, et des gagnants à la loterie des terrains âdevenus constructiblesâ. La norme induit donc un transfert parfaitement anti-social et totalement invisible du point de vue des comptes publics, dâun groupe vers un autre.
Combien cela représente ?
Il nâexiste ni en France, ni dans des pays comparables, aucune étude sérieuse pour quantifier le coût de ces impôts cachés imposés aux ménages et aux entreprises françaises, et je nâai pas pu identifier de moyen de lâapprocher par raisonnement, car il est à peu près impossible dâen déterminer le périmètre ; mais cela représente certainement plusieurs points de PIB, à en juger par les montants identifiés sur le seul secteur du logement. Il y a sûrement des domaines où des normes opèrent une redistribution forcée vers des groupes bien précis sans que jâen aie conscience.
Mais tout politicien digne de ce nom et soucieux réellement du bien-être de ses citoyens-électeurs devrait se pencher sur cette question, et réfléchir à une philosophie de la norme moins coûteuse, et fondée plutôt sur la qualité de lâinformation sur les produits et services échangés, que sur lâobligation coercitive de suivre perpétuellement les délires croissants dâune normalisation bureaucratique rigide.
La chasse aux impôts cachés devrait être une priorité des politiciens au même titre que la baisse des impôts officiels.
Source: Vincent Benard