Certains diront que le Sénat est inutile. Pour beaucoup de Français, câest une maison de retraite pour un personnel politique âgé, le refuge de politiques recalés du suffrage direct ou un repaire pour truands protégés par lâimmunité parlementaire. Pour dâautres, il est indispensable à lâéquilibre démocratique de notre système parlementaire.
En sus de son traitement mirifique, le sénateur bénéficie de toute une série de commodités. à la Chambre haute, on trouve, entre autres, un restaurant et sa célèbre cave à vin (quelques milliers de bouteilles), un salon de coiffure, une lingerie, une salle de sport (souvent vide), un labo photo et même un atelier dâébénisterieâ¦
Non seulement les sénateurs sont très bien logés quand il leur advient dâêtre à Paris (une dotation de 75 euros par jour leur est versée) mais ils peuvent aussi bénéficier de prêts avantageux pour lâachat dâun logement⦠Jusquâà 75 000 ou 150 000 euros selon la région, au taux annuel de 2 % sur 18 ans. De quoi donner du baume au cÅur des 3,6 millions de Français mal-logésâ¦
Le Sénat buissonnier
Le plus scandaleux est que les sages de la Haute assemblée y mettent rarement les pieds. Seule une soixantaine de sénateurs sont assidus aux séances publiques. Pour leur défense, ces élus expliquent que le vrai travail parlementaire se déroule en commission et pas en séance. Lâarticle 15 alinéa 3 du règlement du Sénat stipule quâen cas de trois absences consécutives dâun sénateur dans la commission dont il est membre, son indemnité de fonction pourra être réduite de moitié. Malheureusement cette disposition nâa jamais été appliquée. De toute façon, ceux qui suivent les séances publiques du Sénat auront pu le constater, les sénateurs écoutent rarement lâorateur, trop occupés quâils sont à bavarder avec leurs voisins ou à sâoccuper de leurs affaires personnelles.
Les heureux résidents du palais du Luxembourg nâont aucune excuse pour expliquer ces absences. Comme pour les députés, chaque sénateur peut profiter de la gratuité du réseau SNCF et en 1ère classe (demi-tarif pour les conjoints) ainsi que 46 allers-retours en avion, en France métropolitaine. à Paris, chaque élu bénéficie de 3 000 euros de frais de taxi par an, dâune carte gratuite pour le métro et surtout du parc auto du Palais (une vingtaine de voitures à 45 000 euros lâunité).
« Le Sénat est le seul club que je connaisse où lâon paye la cotisation des membres ». Un sénateur
Dâautres facteurs expliquent ces absences. Il existe 78 « groupes dâamitié » avec les pays étrangers. Ils permettent aux sénateurs de partir en voyage tous frais payés (et souvent en famille). Le travail sur place laisse beaucoup de temps libre pour les activités touristiques. Chaque sénateur peut adhérer à autant de groupes quâil le désire. Il leur est demandé une cotisation annuelle de seulement 19 euros par pays. Et câest sans compter les quelques dizaines de « groupes dâétude », à lâintitulé sympathique, comme « les arts de la rue et du cirque » ou « la chasse et la pêche ». Ces groupes sont le lieu dâintrigues de couloir et de lobbying, dont le Sénat est le carrefour.
La réserve parlementaire
Parmi les multiples ressources du Sénat, la réserve parlementaire (qui sert à financer des associations et des collectivités dans les circonscriptions) est comme la partie émergée de lâiceberg. Elle sâélève, selon les spécialistes du sujet, à 150 millions euros, Sénat et Assemblée nationale confondus. Le crédit de cette caisse, caché à lâintérieur des budgets de différents ministères, ne sert quâà acheter les électeurs⦠Le vrai pactole, est celui de la caisse de retraite des anciens sénateurs qui se monterait à quelque 500 M euros.
Une retraite en platine
En moyenne, un sénateur touche 4382 euros nets par mois pour une obligation de cotisation de seulement 15 ans. La retraite maximum peut atteindre 6000 euros mensuels pour 25 ans de cotisation. Pour bien se rendre compte, après un mandat de six années, un sénateur recevra 1869 euros de pension. Cette somme est supérieure à ce que perçoit un Français du privé après 40 ans de cotisation. La réforme de 2010 ne change quasiment rien, si ce nâest lââge légal de départ en retraite. Les veuves et veufs, pour leur part, touchent 66 % de réversion, taux le plus élevé de France⦠à force de privilèges, la douloureuse du Sénat, les contribuables la sentent passer. En 2013, le montant de la dotation de lâÃtat dépasse les 323 millions dâeuros. Cette enveloppe, votée par les sénateurs, est immédiatement placée, personne ne sait où, et fait des petits. Le profit ainsi dégagé, les Français ne le revoit pas, cela va de soi⦠Il sert probablement à opérer de nombreux et luxueux travaux de réfection du Palais et des immeubles achetés ici et là dans les beaux quartiers parisiens. Comme par exemple lâachat du 46, rue de Vaugirard en 2002, dont la rénovation a coûté plus de 10000 euros le mètre carré.
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