Pour justifier cette suppression, Marylise Lebranchu, ministre de la Réforme de lâÃtat, de la décentralisation et de la Fonction Publique sâappuie, en effet, sur une étude de la Dares qui est sortie (bien curieusement ?) en février 2013 et qui reprend les chiffres de lâenquête emploi de lâINSEE. Lâune des justifications de la ministre est en effet que : « Il nây a pas de problème dâabsentéisme propre à la fonction publique : une étude récente de la Dares sur les absences au travail pour raison de santé en 2011, câest-à -dire avant la mise en place du jour de carence, démontre que les comportements ne sont pas différents entre fonctionnaires et salariés en CDI en matière dâarrêt de travail. »
Lâenquête Dares fait état dâun taux dâabsentéisme de 3,7% pour les salariés en CDI de plus dâun an dâancienneté et de 3,9% pour les fonctionnaires. Et la ministre dâen déduire que fonctionnaires et salariés du secteur privé nâauraient pas de comportement différent en matière dâarrêt de travail. Donc, puisque les conventions collectives du secteur privé couvriraient dâaprès elle, 80% des salariés du privé, pourquoi pénaliser le public avec une journée de carence non payée ?
Des chiffres de l’absentéisme fonctionnaire incroyable de l’INSEE
Rappelons que lâenquête emploi de lâINSEE est une enquête en continu effectuée tous les trois mois auprès dâun échantillon de la population française sur un assez grand nombre de paramètres. Elle couvre environ 60.000 logements par trimestre. Cette enquête emploi est exécutée suivant des standards du Bureau International du Travail définis en commun avec dâautres instituts de statistiques coopérant dans lâOrganisation Internationale du Travail (OIT) de façon à permettre une comparaison directe entre les statistiques. Câest lâune des enquêtes emblématiques de lâINSEE.
Pour soutenir le propos de la ministre, lâINSEE fait état des taux suivants dâ « absentéisme pour raisons de santé (la sienne ou celle de ses enfants) » :
Administration publique : 3.7% (hors congés maternité)
Enseignement        : 3.2% (hors congés maternité)
Santé humaine et action sociale : 4.6% (hors congés maternité)
Or un simple croisement de vérification des chiffres publiés par les administratione elles mêmes dans des bilans sociaux chaque année où figure en principe lâabsentéisme et notamment lâabsentéisme pour raisons de santé.
Pour le secteur privé, les chiffres réunis par divers organismes se situent bien autour de 3,6% – 4% comme publié par la Dares. Mais les chiffres déclarés dans les bilans sociaux des administrations sont beaucoup beaucoup plus élevés comme le montre le tableau ci-dessous. Et il y a beaucoup plus de raisons de croire des bilans sociaux que les déclarations des intéressés qui peuvent être sous-estimées par le déclarant ou lâenquêteur.
Voici les taux dâabsentéisme pour raison de santé, hors maternité, des bilans sociaux par administration :
Secteur privé (pour référence)   3,6%
Fonction publique d’état       5.7% (éducation nationale 4.4%, intérieur 5.9%, DGFIP 6.7%)
Fonction Hospitalière :           7.2%
Collectivités territoriales :         9.8%
Sources : Rapport annuel sur lâétat de la fonction publique 2012, DGAFP ; bilan social du ministère de lâéducation nationale et du ministère de lâenseignement supérieur et de la recherche 2010-2011 ; rapport sur la fusion de la DGI et de la DGCP, Cour des comptes 2011, DGFIP 2011 ; synthèse annuelle des données sociales hospitalières, bilan social 2008, DGOS ; synthèse nationale des rapports au CTP sur lâétat des collectivités territoriales â bilans sociaux 2009, CNFPT, DGCL.
 Les rares consultants qui ont fait des enquêtes auprès de lâadministration disent que, selon les responsables des ressources humaines eux-mêmes, les absences de courte durée nâétaient généralement même pas enregistrées par lâadministration... et donc ne figuraient pas dans les bilans sociaux qui seraient sous-estimés.
On peut aussi noter que, prises par surprise en 1998, la plupart des administrations centrales, en 2004, avaient retiré les chiffres de lâabsentéisme de leurs bilans sociaux.
Comment expliquer une sous-estimation aussi énorme de l’absentéisme maladie des fonctionnaires par l’INSEE ?
Que la ministre utilise des chiffres INSEE pour caresser la clientèle du Parti Socialiste et faire sauter une mesure très efficace, dont la suppression va coûter extrêmement cher notamment aux hôpitaux comme le remarquait le président de la FHP (Fédération Hospitalière Privée), elle est dans son rôle. Que la Dares sorte ces chiffres comme par miracle la veille de la décision de la ministre, il ne faut pas en être trop surpris car ce sont des fonctionnaires et câest une mesure qui les avantage. Mais comment lâINSEE, à travers son enquête emploi, de surcroît sur une période longue puisque la note Dares parle dâ« une semaine moyenne de la période 2003-2011 », peut-il autant se fourvoyer aussi longtemps sans que des questions soient posées et des contrôles aient lieu ? Dans lâenquête-emploi qui est encore une fois emblématique et qui sert de référence à tout ce qui compte dans la statistique, en France et à lâétranger ?
Pourtant les bilans sociaux lui étaient accessibles autant quâà nous. Et ce nâest pas la première étude publique qui dénonce des chiffres faux. Ne serait-ce que les études sur les bilans sociaux des administrations de la DGAPF, une division du ministère de Madame Lebranchu. Serait-ce une erreur systématique de lâINSEE ?
Voici toutefois quelques explications possibles mais peu vraisemblables :
- Les chiffres dâabsentéisme de la DARES visent le nombre dâabsents alors que ceux des bilans sociaux visent le nombre dâheures perdues. Mais statistiquement, on voit mal comment ces deux chiffres pourraient être très différents.
- Les organismes visés auraient publié dans leurs bilans sociaux des chiffres plus élevés que la réalité ? On voit mal les administrations sâauto-condamner.
- Les chiffres de lâétude Dares portent sur une période longue alors que notre enquête par les bilans sociaux porte sur des périodes courtes, et le plus souvent récentes. Ceci pourrait-il expliquer lâécart ? Mais nos chiffres restent cohérents avec ceux relevés en 1998 et 2006 par une association, reposant également sur des bilans sociaux.
On est donc conduit à se demander si, interrogés sur leur absentéisme au travail, les répondants du secteur public ou les enquêteurs de lâenquête emploi, eux-mêmes employés du secteur public, sâemploient à minimiser. Cette sous déclaration irait du simple au double.
Câest grave car, en conclusion, la ministre se sert de chiffres faux de l’INSEE sur l’absentéisme maladie dans la fonction publique, faux dans le rapport approximatif de 1 à 2â¦, pour justifier une décision au seul bénéfice de la fonction publique mais au détriment de la nation.
Au dela c’est la confiance en cet organisme qui est perdu.
Commentaires récents